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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/23

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LA LUXURE DE GRENADE

Rapide, la femme quitta la poitrine d’Almazan et souffla la lanterne qui était allumée près de la porte.

Ils restèrent tous deux sans bouger. Les poursuivants s’éloignaient sur le quai. Sans doute tournèrent-ils à gauche, car on n’entendit bientôt plus rien.

Alors la singulière visiteuse poussa un cri de joie à la fois sauvage et enfantin. De nouveau, elle mit ses bras autour du cou d’Almazan :

— Merci ! Tu m’as sauvée !

Et elle se mit à rire longuement, d’un rire forcé, hystérique, bizarre, comme s’il s’agissait d’une plaisanterie énorme et dangereuse qu’elle avait menée à bien. Elle sautait de satisfaction et son rire ne finissait pas.

Almazan l’avait entraînée dans le patio et à la clarté de la lune, il la considéra.

C’était presque une enfant. Il y avait sur ses traits quelque chose de délicieusement passionné, d’ingénu et de cynique. L’expression de son visage changeait continuellement et il ne demeurait de fixe que la lueur de deux gouttes d’or qu’elle semblait avoir au fond de ses prunelles et qui étaient de la même teinte que l’or ruisselant, tordu en gerbe de sa chevelure. Cette chevelure s’agitait, l’encadrait de flamme, l’illuminait, avait l’air vivante d’une existence propre et les nuances de cette vie des cheveux étaient variées, tour à tour rougeâtres, assombries, comme une soie incendiée, comme des blés sous le clair de lune.

Elle était de petite taille, ce qui exagérait encore son apparence d’extrême jeunesse. Le haut de son