allée, il eut comme une apparition. Il crut voir un des quatre tentateurs ennemis de l’âme, que décrit la mythologie musulmane, Al Nefs, l’ange luxurieux, celui qui a la forme d’une femme et d’un adolescent en même temps, celui qui vous attire en bas par le prestige de la volupté.
Encore pénétré des lectures qu’il venait de faire sur la religion de Mahomet et sur ses superstitions, il faillit pousser un cri de surprise en voyant marcher vers lui le frère d’Iblis, l’ange délicieux, tel qu’il se l’était imaginé.
Il avait une longue dalmatique bleuâtre, souple comme un nuage, qui flottait par-dessus sa chemise de soie courte, dont la couleur était cramoisie, comme les passions qu’elle cachait. Ses jambes adolescentes étaient nues et ses pieds avaient des babouches minuscules en un tissu filigrané d’or qui faisaient légèrement craquer le sable de l’allée. Sur sa tête enfantine était posé, par un singulier caprice, le triple turban noir que portent les moullah et ceux qui enseignent la loi, comme si c’était le symbole que le porteur de volupté est aussi porteur d’une certaine sagesse. Mais sous ce turban noir, jaillissait comme une flamme, animée d’une vie propre, une chevelure d’or brûlé, de la même couleur que les deux gouttes dorées qui bougeaient au fond de ses prunelles et il y avait dans sa démarche un je ne sais quoi d’ailé et d’enivrant.
C’est à son regard, lorsque l’ange Al Nefs fut tout près de lui, qu’Almazan reconnut Isabelle.
Il n’eut pas le temps de se lever. Elle était assise à côté de lui, elle riait familièrement.