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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/26

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LA LUXURE DE GRENADE

Elle fit dans l’air, de ses petits doigts, le geste de couper avec des ciseaux et elle rit encore puérilement.

— Mais sans doute tu le connais. Il viendra peut-être te trouver après, pour que tu le soignes. Qui ne connaît pas à Séville le gros juif Aboulfedia ?

Almazan tressaillit. Il s’agissait du médecin Aboulfedia avec qui il avait travaillé. C’était un homme d’une grande science, mais bizarre et plein de lubies. Il était parti, une fois, pour Rome, afin d’aller convertir le pape au judaïsme. Il avait longtemps travaillé à une machine volante et il rêvait de s’élancer du haut de la Giralda et de planer sur Séville comme une hirondelle. Il avait, en vieillissant, délaissé la science pour la débauche. Almazan se ressouvint des bruits qui couraient sur son compte et auxquels, d’ailleurs, il n’avait jamais ajouté foi. On avait parlé de scènes sadiques qui se déroulaient dans sa maison du faubourg de Triana, d’une reconstitution de l’antique sabbat avec des meurtres d’enfants et des adorations du Diable. Légendes risibles assurément. Mais il était certain que les procureuses de Séville obtenaient beaucoup d’argent d’Aboulfedia et qu’il recevait certains soirs la lie des cabarets louches de Triana.

— À quoi penses-tu ? Tu te demandes peut-être comment j’ai eu l’idée de venir frapper à ta porte ? Ne crois pas que ce soit la première fois que je te vois. Tu ne te rappelles pas être allé un soir, dans une petite maison du quartier de Santa-Cruz, soigner une femme qui avait un coup de couteau dans la cuisse ? J’étais dans la chambre voisine et pendant que tu bandais la plaie j’avais soulevé une portière et je