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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/29

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LA LUXURE DE GRENADE

Il songea au mort qui reposait juste au-dessous dans une position symétrique à celle de son lit. Il songea au danger que courait à cette heure son vieux maître. Et, en même temps, il se représenta Aboulfedia avec son visage jaune et mou, son gros ventre, ses petites jambes, parmi des filles nues, de blêmes adolescents, des silhouettes d’assassins en rut.

Il eut le dégoût de son propre désir. Il recula de deux ou trois pas, puis il sortit doucement de la chambre. Il descendit dans le patio.

Subtile, presque insaisissable, une odeur vint jusqu’à lui. C’était une odeur qu’il connaissait bien, celle de la décomposition humaine. Almazan avait entendu dire que certains poisons minéraux avaient sur l’organisme qu’ils attaquaient un effet de désagrégation instantané. Mais il était stupéfait que la mort pût faire sentir sa puissance de destruction avec cette rapidité. Cette odeur mortuaire qui se mêlait à celle des orangers avait, sous la calme lumière de la lune pâlissante, quelque chose d’atroce.

Mais ne se trompait-il pas ? Il ouvrit la porte de son cabinet d’études. Il prit dans ses deux mains la lourde lampe de cuivre qui brûlait et se pencha sur le corps de Pablo.

Le visage blafard était maintenant tacheté de marbrures. Les veines du cou et des mains étaient d’un rouge de laque. Les lèvres avaient verdi. Une curiosité intense animait Almazan devant ce mystérieux travail moléculaire qui commençait. La mort, cette terminaison d’une forme passagère, était le début d’une activité plus extraordinaire que celle qui avait fait mouvoir le corps pendant qu’il vivait. Les cel-