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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/298

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LA LUXURE DE GRENADE

Le bourreau l’avait attisé avec une tige de fer. La peau devenue blanche comme du parchemin, craqua, se gonfla à nouveau et se fendit.

Mais la souffrance d’Almazan ne demeurait pas dans ses pieds. Elle se déplaçait. Elle montait le long de ses jambes, elle le baignait, elle le parcourait, elle résonnait avec fracas dans son cerveau, elle vibrait délicatement dans chacun de ses cheveux.

Et, de plus en plus, le bourreau, devant lui, clignait de l’œil, hochait la tête et avait l’air de lui désigner, au-dessus de lui, le Christ grinçant qui penchait sur sa douleur une face stupide.

Almazan comprit l’exactitude de ce symbole. Couché dans cette salle basse à la lumière vacillante de deux torches, au milieu de bourreaux et d’inquisiteurs, il était l’homme souffrant, déchiré, prisonnier de l’Église, sans l’espérance d’une pitié humaine et il n’avait au-dessus de sa tête, suspendu à la voûte du dogme, à travers l’espace ténébreux de la foi, que le visage du Prophète, ridiculement travesti, dont, on avait arraché du visage la part de soleil, dont on avait fait une caricature divine.

La voix de l’être, toujours voilée, avait un frémissement.

— Parlez, puisque je sais. Je sais aussi bien que vous. Peut-être mieux. Car vous n’observiez pas les règles de l’Ordre. Elles prescrivent la chasteté. Maintenant est-ce que vous n’êtes pas perdu aux yeux de vos frères ? La Rose et la Croix ! Elles sont bien loin de vous ! Vous ne les retrouverez plus jamais. Mais il est temps encore. Vous pouvez rentrer dans la sainte Église.