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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/310

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LA LUXURE DE GRENADE

dans tes bras ! Quelque chose en toi m’élevait et je cherchais à le détruire. Rien n’a pu m’ôter le goût des étoffes fastueuses, des matières rares et de la débauche secrète et j’étais triste parce que mon haleine n’arrivait pas à ternir le diamant de ton esprit. Tu as été ce que j’ai eu de meilleur et je ne sais pas pourtant si je t’ai aimé. Adieu, mon amour !

Almazan aperçut le Quemadero sur la place de San Fernando où le cortège débouchait. C’était un large échafaud carré d’où émergeaient des croix, des piloris, des potences et des poteaux et qui renfermait dans ses flancs de maçonnerie un monde de bourreaux, avec les clous pour crucifier, les cordes pour flageller, les épées pour trancher les poignets, les fagots pour alimenter les bûchers.

Autour du Quemadero les messes s’achevaient. Sur les autels improvisés brillaient les chandeliers d’argent, les ciboires d’or et il y avait des éclatements de métaux et de pierres sur les surplis étincelants, sur les mitres des évêques aux gemmes symboliques.

On voyait des visages de dominicains exaltés par l’ardeur de la prière. Quelques-uns étaient là depuis deux jours, frappant parfois la terre avec leur front, suppliant Dieu de sauver les âmes de ceux qui allaient être brûlés. Et il y avait sur leurs traits une douleur tragique et sincère, comme s’ils sentaient cette cause désespérée et perdue par avance. Une grande bannière verte avec un crêpe noir était plantée en terre pour attester le deuil de l’Église à cause des pécheurs qui allaient mourir impénitents. Mais dans ces désespoirs ecclésiastiques, aucun pardon ne se faisait jour.

Des estrades couvertes de religieux et de fonction-