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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/41

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LA LUXURE DE GRENADE

vait à l’archevêque la liberté de son esprit et il avait mesuré l’étendue inestimable de ce bienfait.

Il s’approcha du mort avec l’intention de formuler mentalement une parole dont la magie serait assez puissante pour résonner dans l’au-delà. Mais il ne trouva pas cette parole. Est-ce que l’amour seul pouvait l’inspirer ? Le visage de l’archevêque lui apparut formidablement serein, mais empreint en même temps d’une solitude si effrayante qu’Almazan se rappela les visages de tant d’hommes simples qu’il avait vus à leur lit de mort et qu’il se demanda si, à cette majesté du chercheur de vérité, il ne valait pas mieux préférer une expression de pitoyable attachement aux êtres qu’on quitte.

Il prit les mains de l’archevêque et il les croisa. Dans le geste qu’il fit, un petit objet de métal tomba par terre. C’était une croix en or alchimique, mais une singulière croix avec une rose épaisse en son milieu, une croix telle qu’Almazan songea qu’elle suffirait pour faire brûler son possesseur par le Saint Office.

Il la mit dans sa poche, il prit sur la table le cahier que l’archevêque y avait posé à son intention et il sortit de la pièce sous le regard vitreux du mort qui filtrait entre les paupières à demi fermées.

Et il lui sembla, à la minute même où il quittait pour toujours la forme physique de son maître, qu’Isabelle de Solis était sur la porte et lui faisait signe, riant d’un rire sacrilège et montrant avec impudeur ses seins nus, hors de sa chemise déchirée.