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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/74

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LA LUXURE DE GRENADE

tous ses oublis et les fantaisies de son humeur sur le compte de ces Gennis et l’on ne savait pas, comme elle riait en en parlant, si elle était sérieuse ou si elle voulait se moquer.

Il n’y avait qu’une année qu’elle avait quitté son père, l’Émir de Malaga, El Zagal, pour venir à la cour de son oncle, le roi de Grenade. Comme elle était célèbre dans tout l’Islam pour son intelligence et sa beauté, Abul Hacen avait accueilli sa nièce avec magnificence. Il lui avait donné trente femmes pour la servir. Elle les avait presque toutes renvoyées à cause de leur allure disgracieuse ou de leur visage de mauvais augure et il avait fallu chercher dans Grenade et dans les villes voisines, des esclaves agréables à voir en même temps qu’expertes à jouer des instruments de musique ou à réciter des vers. Abul Hacen avait voulu l’installer à l’Alhambra, dans la Tour de Peinador, dont la splendeur était renommée et dont le sultan Hafside de Tunis avait naguère visité les salles de repos et les étuves comme des modèles de raffinement. Khadidja avait ri du goût grossier de son oncle et celui-ci, confus, avait fait aménager à la hâte, sur les indications données par elle, le palais du Généralife qui était à côté de l’Alhambra et communiquait avec lui par une succession d’antiques jardins.

De ce palais, elle ne sortait guère. Elle y passait une partie de son temps à mélanger des essences de fleurs, à composer des parfums. Aucun ne la satisfaisait. Elle voulait retrouver, disait-elle, le Kyphi, parfum sacré des Égyptiens, qui permet de voir à distance quand on l’a respiré. Elle fabriquait aussi des teintures, parce qu’il y a des harmonies entre les