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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/77

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LA LUXURE DE GRENADE

garde. Mais à trente-six ans, il lui était venu une coquetterie tardive et quand Khadidja vint à Grenade, elle voulut porter des émeraudes et se vêtir de voiles amarante pour lui ressembler. Elle ne cacha pas l’admiration qu’elle lui inspirait jusqu’au moment où cette admiration se changea en une inexorable haine.

Assez tard dans la nuit, elle était allée rendre visite à la jeune princesse dans le Généralife. Khadidja, d’abord enjouée, avait ensuite mal déguisé son ennui. Désireuse de donner une petite indication sur son désir de solitude, elle avait éteint une lampe et commencé à défaire ses cheveux. Sans doute, ses gestes avaient été mal interprétés par Aïxa.

— Il me sembla, dit Khadidja, le lendemain, en racontant cette scène à son ami l’Émir Daoud, qu’une statue en bois grossier s’animait devant moi. J’étais saisie par d’épaisses mains et deux étroits morceaux de glace se posèrent sur mes lèvres pendant que je respirais dans son haleine une odeur de livres poussiéreux et d’humidité, exactement l’odeur que j’avais respirée à Fez en visitant la bibliothèque où me conduisait un Soufi sage et saint, mais très malpropre de vêtements. Je poussai un cri désespéré, mes servantes vinrent et je leur demandai de rester auprès de nous, car nous venions, la sultane Aïxa et moi, de contempler le plus épouvantable de tous les Gennis de l’air nocturne.

Et à cause de cette confidence, l’émir Daoud aurait préféré qu’il n’y eût pas de rencontre entre Khadidja et Aïxa.

Les deux femmes échangèrent en se croisant des saluts et des politesses, mais les mauvais sentiments