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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/90

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LA LUXURE DE GRENADE

Par elle, le palais de l’Alhambra se remplira de chrétiens comme un fourmillement de poux dans une tête de pierre.

— Toujours des prédictions pour la fin de Grenade, dit un homme qui portait un turban d’or et une gandourah de soie orange brodée d’argent, dont la somptuosité contrastait avec les vêtements des autres assistants. Soleïman aussi, prétend que Boabdil livrera Grenade aux rois de Castille. Je ne crois ni à la clairvoyance ni à l’astrologie et cependant, je n’aime pas entendre des prédictions de cette nature.

C’était Tawaz, un des plus riches habitants de Grenade. Il faisait profession de scepticisme et il était poète et musicien, mettant l’art au-dessus de toute chose. Il avait, dans son palais, une collection des instruments de musique usités chez tous les peuples de la terre et il prétendait que la qualité des sons que l’on perçoit influe sur l’intelligence et sur la durée de la vie, en sorte qu’un homme vivant dans un désert et n’étant effleuré que par certaines qualités d’ondes sonores, réglées avec soin, pourrait atteindre au moins mille années et parvenir à un degré d’intelligence inouï.

Tawaz était disciple d’Omar Khayam, le poète persan, qui avait vécu trois siècles auparavant, et il se proposait de partir bientôt en pèlerinage pour atteindre Nichapour et respirer dans le cimetière de Hira les fleurs d’un pêcher qui étendait ses branches sur la tombe de son poète préféré.

Massar s’arrêta soudain de prophétiser et abaissa l’écaille de tortue sur ses genoux. Il avait aperçu Almazan. Il cria :