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Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/144

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LA TENDRE CAMARADE

Et moi j’entrepris une lutte contre toutes ces puissances célestes et infernales. J’élaborai des métaphysiques à son usage, une histoire des religions qu’elle put comprendre. Je lui dis la longue lutte de l’homme à travers les siècles contre les dieux qui n’existaient pas et sa victoire future. Je lui enseignai qu’elle avait en elle-même le germe de toute sagesse, et elle me regardait avec des yeux émerveillés qui parfois semblaient s’ouvrir à un monde nouveau.

Elle n’alla plus à la messe. Sur l’autel des ancêtres les bananes se séchèrent, et elle ne remplit pas à nouveau la fiole de choum-choum que le boy avait bue.

Mais quand, le soir, nous avions beaucoup fumé et que les arbres s’agitaient derrière la véranda, alors elle se blottissait contre moi, je sentais qu’elle était la proie des antiques superstitions, des vieilles légendes de sa race, je la défendais avec mes bras contre les milliers de formes terribles surgies des profondeurs de la forêt.