Aller au contenu

Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les gens qui n’ont pas connu l’extrême misère ne savent rien de la vie. Ils ignorent la honte, ils ignorent la terreur, ils ignorent la malpropreté du corps, ils ne connaissent pas les plus grands maux. Ils ne peuvent avoir qu’une pitié de commande pour des malheurs dont l’étendue n’a pas pour eux de mesure.

Je me demande comment j’ai pu descendre dans les derniers bas-fonds humains et ne pas y rester enlisée. Quand je jette un regard sur les années que je viens de passer, je vois ma vie comme un long chemin qui part d’une petite ferme montagnarde, à côté d’un lavoir, sous les peupliers, et qui aboutit, après avoir traversé des carrefours où sont des hôtels meublés, à une maison publique.

Le grand tournant de ma vie fut au moment où un