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FRANZ MAHUTTE

Contes Microscopiques


NOËL TRISTE


À Monsieur A. Oudin.


Ce soir-là, l’atmosphère était glaciale ; les étoiles brillaient au ciel pur ; les souliers crépitaient dans la neige durcie.

Rue Haute, il y avait grand bruit : le peuple fêtait Noël. Le faro coulait à flots, les koekebakken disparaissaient à plaisir. Des portes entre-bâillées, des allées obscures s’échappaient des rires et des chants. Sur le pavé, l’on se pressait. Des bambins, pour marcher plus vite, s’accrochaient aux jupes maternelles.

— Tante Françoise, où allons-nous ?

— Faire une promenade, mon George. Ce soir, tu as congé.

Ils hâtèrent le pas. Devant eux, la rue filait avec une courbe légère, aboutissant à la place de la Chapelle ; à droite et à gauche, les rues du Faucon, du Temple, de l’Épée, des Capucins, s’enfonçaient dans le noir.

Françoise ramena l’écharpe de George sur ses oreilles. Il fallait se méfier des rhumes.

À la Steenpoort, la vie commençait plus ardente.

Un marchand de marrons, la tête au niveau de son tambour, riait à gorge déployée. Dans une charcuterie, le patron, suant la graisse, coiffé d’un bonnet blanc, apprêtait des boudins d’un air attentif. Des odeurs de pain cuit et de gâteaux tièdes s’échappaient d’une boulangerie.

Françoise marchait vite, la tête baissée. Elle songeait qu’à l’heure présente il y avait une foule de petits garçons heureux, une foule d’intérieurs paisibles et cossus, tout à la joie. Elle devinait des salons où, sur d’épais tapis, jouaient des bébés demi-nus, des corridors fleuris où des domestiques,

Anthologie Contemporaine.
Vol. 63. Série VI (N° 3).