Page:Maillet - Telliamed, 1755, tome II.djvu/229

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Courtemanche mere du Commandant, de laquelle je tiens ce détail, les prit chez elle. La plus jeune de ces filles mourut ; l’autre qui avoit beaucoup d’esprit, apprit le François & demeura deux ans dans le Fort. Un jour considérant les matelots de nos bâtimens qui abordent à cette rade pendant l’Eté pour y faire la pêche, cette jeune Sauvage demanda à sa Maîtresse pourquoi dans notre Nation il n’y avoit pas des hommes d’une seule jambe, comme parmi les Esquimaux. Cette Dame lui ayant répondu qu’il y avoit en France, comme ailleurs, des hommes qui avoient perdu une de leurs jambes ; mais que ces hommes n’étant plus propres à la navigation, on ne les embarquoit point : Ce n’est point, reprit cette fille, de ces hommes dont il s’agit ; il y en a aussi de ceux-là parmi nous : je parle d’une race dont les hommes & es femmes n’ont qu’une jambe, même qu’une seule main faite d’une façon extraordinaire. Ces hommes sont en grand nombre, ne rient jamais, & marchent en sautillant. Ils servent à relever nos barques quand elles cou-