Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/302

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poids des lourds chevaux cabrés dont les oreilles rejoignent les premières volutes des entablements, gardent, malgré l’excessif effort, une expression recueillie et de sérénité souriante. Hélas ! combien de ces piétons ont perdu qui son épée, qui un bras, qui les deux, même quand ce ne sont pas les jambes ? Heureusement que les gros dégâts sont rares. Aux entre-deux des colonnes jumelles, triples, quadruples, quoique tirées du même bloc, il ne manque pas une maille de leur dentelle de pierre. Aux frises, aux soubassements, on peut compter les dieux, les personnages et les bêtes par centaines. La coquetterie des artistes a été dans ce parti de ne pas répéter une seule fois le même motif de décoration, voire le même motif d’architecture. Dans cette travée où je passe, pas une colonne qui soit semblable à une autre, pas un groupe, pas une statue, pas un animal qui soit une réplique. Tout a un caractère individuel, et pourtant l’anarchique liberté du détail n’enlève rien à la grandeur, à la régularité du tout. Jamais, d’ailleurs, l’art indien n’a chéri les ordonnances symétriques. La symétrie parfaite, de même que le parachèvement absolu d’une œuvre, y est tenue pour la négation de la vie.