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Page:Maintenant - revue littéraire, 1912-1915.djvu/33

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Je pensais : ce grand vivant !

Nous parlâmes donc littérature, et comme il allait me poser cette question qui devait lui être particulièrement chère : « Qu’avez-vous lu de moi ? » J’articulais sans sourciller, en logeant le plus de fidélité possible dans mon regard : « J’ai peur de vous lire. » J’imagine que M. Gide dut singulièrement sourciller.

J’arrivais alors petit à petit à placer mes fameuses phrases, que tout à l’heure je me récitais encore, pensant que le romancier me saurait gré de pouvoir après l’oncle utiliser le neveu. Je jetais d’abord négligemment : « La Bible est le plus grand succès de librairie. » Un moment plus tard, comme il montrait assez de bonté pour s’intéresser à mes parents : « Ma mère et moi, dis-je assez drôlement, nous ne sommes pas nés pour nous comprendre. »

La littérature revenant sur le tapis, j’en profitais pour dire du mal d’au moins deux cents auteurs vivants, des écrivains juifs, et de Charles-Henri Hirsch en particulier, et d’ajouter : « Heine est le Christ des écrivains juifs modernes. » Je jetais de temps à autre de discrets et malicieux coups d’œil à mon hôte, qui me récompensait de rires étouffés, mais qui, je dois bien le dire, restait très loin derrière moi, se contentant, semblait-il, d’enregistrer, parce qu’il n’avait probablement rien préparé.

À un moment donné, interrompant une conversation philosophique, m’étudiant à ressembler à un Bouddha qui aurait descellé une fois pour dix mille ans ses lèvres : « La grande Ri-