Page:Maintenant - revue littéraire, 1912-1915.djvu/88

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de nouvelles académies de peintures ouvrent chaque jour. À ce propos je me suis toujours demandé comment un professeur de peinture, s’il n’enseigne pas la copie à un serrurier, ait pu, depuis que le monde existe, trouver un seul élève. On se moque des clients des chiromanciennes ou cartomanciennes et l’on n’a jamais d’ironie pour les naïfs qui fréquentent les académies de peinture. Peut-on apprendre à dessiner, peindre, avoir du talent ou du génie ? Et pourtant, on voit dans ces ateliers de grands dadais de trente et même quarante ans et, Dieu me pardonne ! des tutus de 50 ans, oui, doux Jésus ! de pauvres fofos de cinquante ans ! Il y a aussi de jeunes Américains d’un mètre quatre-vingt-dix, heureux dans leurs épaules, qui savent boxer et qui viennent des pays arrosés par le Mississipi, où nagent les nègres avec des mufles d’hippopotames ; des contrées où les belles filles aux fesses dures montent à cheval ; qui viennent de New-York plein de gratte-ciels, de New-York sur les bords de l’Hudson où dorment les torpilleurs chargés comme les nuages. Il y a également de fraîches Américaines, ô pauvres Gratteciella !!

On pourra m’objecter que les peintres trouvent dans les académies la chaleur en hiver et un modèle. Le modèle pour un vrai peintre c’est la vie. De toute façon, vous voyez d’ici si le modèle professionnel est plus vivant que les plâtres que l’on copie à l’École des Beaux-Arts : mais les clients de l’académie Matisse se moquent des pompiers des Beaux-Arts ; pensez donc : ils font de la peinture avancée. Il est vrai qu’il en est parmi ceux-ci qui croient que l’art est supérieur à la nature. Oui chéri !