Page:Mairet - Marca.djvu/100

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par un flot de paroles inutiles, le comte par un signe de tête.

Le comte, peut-être pour se distinguer de sa femme, parlait peu et très lentement, ne prononçant presque pas ; il avait tellement le genre anglais — ou ce qu’il prenait pour tel — qu’il en avait à peu près contracté un accent britannique, avec une hésitation de la voix, un « aoh, aoh » qu’il croyait de rigueur comme son carré de verre dans un œil, ses épingles de cravate à la jockey, ses vêtements suivant la coupe de Londres. Il avait été terriblement coureur dans sa jeunesse ; il s’était usé vite, et avait mangé sa fortune très bêtement. Alors sa mère, une vieille femme rusée, qui, pour le repos de ses semblables, avait enfin été retirée de cette vie, l’avait marié ; elle lui avait trouvé une petite bourgeoise très riche, qui grillait d’envie de s’appeler comtesse.

La jeune madame de Vignon, douée d’une perspicacité rare, aidée aussi par une police domestique bien payée, car pour elle tous les moyens étaient bons, avait convaincu son mari, dès les premières années de leur mariage, de certaines infidélités qu’elle lui fit payer cher ; ce n’était que scènes, attaques de nerfs, menaces de se retirer chez sa mère avec ses enfants ; elle mettait tout le monde dans ses confidences ; les coups de canif dans le contrat du comte devenaient légendaires. Enfin elle dé-