froideur ne s’était démentie. Il est vrai que sachant fort bien que ses amoureux n’étaient pas en général des épouseurs, elle s’était tenue en garde. Depuis son mariage, son attitude digne et fière imposait fort aux jeunes gens qui s’approchaient d’elle. Véra, qui se savait entourée d’ennemis obscurs, se surveillait si bien que jusqu’ici, sa belle-sœur elle-même n’avait rien pu critiquer dans sa conduite. Pourtant elle eût voulu aimer quelque chose ou quelqu’un. Maintenant, elle se demandait si un petit être rose et blanc, enfoui dans les dentelles, sentant bon, qui lui sourirait, et plus tard l’appellerait « maman » réussirait à la tirer de son apathie ; et pour la première fois peut-être, elle regretta le peu de chances qu’elle avait de se voir mère… Et puis cela aurait si bien fait enrager la grosse Amélie !
Elle en était là de ses réflexions, quand un gémissement la fit tressaillir. Au pied d’un arbre, elle vit une femme étendue ; la figure était cachée, et toute la personne enveloppée d’un grand châle noir ; sans le gémissement de la malheureuse, la baronne Véra, absorbée comme elle l’était, aurait bien pu passer à côté et ne pas la voir.
— Que faites-vous là ? Véra avait d’abord songé à continuer son chemin ; — en somme, cela ne la regardait pas ; puis, un second mouvement plus humain fit qu’elle s’arrêta.