Page:Mairet - Marca.djvu/264

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— Aimez-le, maintenant !

Il ne disait rien, mais elle suivait à peu près ses pensées.

— Ah ! Pierre, s’écria-t-elle, ne m’en veuillez pas, est-ce ma faute après tout ?

— Qu’est-ce qu’il a donc pour lui, ce Maxime, que vous l’aimiez malgré tout… malgré son lâche abandon ? Il a un bon tailleur ; et, comme il ne fait rien de ses mains, elles sont blanches ; voilà pourquoi vous l’aimez. Moi, je suis tout le contraire. Je suis un travailleur ; si jamais j’arrive à être quelque chose en cette vie, cela ne m’avancera pas : jamais vous n’oublierez que j’ai porté la blouse et la casquette. Et dire que toute mon ambition n’était au fond que le désir de vous plaire… d’oser un jour vous demander d’être ma femme ! C’est depuis le premier instant que je vous ai vue, ce jour où vous m’êtes apparue comme le printemps même, au milieu de vos fleurs ; c’est depuis ce moment-là que je vous aime. Mais tout est inutile, je le sais bien, parbleu ! Un moment j’ai eu une lueur d’espoir, ce moment où j’ai su que vous n’apparteniez pas vraiment à ce monde où les femmes sont vêtues de soie, et où les hommes passent leur temps à se ruiner ; vous êtes fille d’ouvrière, en somme, — vous êtes du peuple, vous aussi !

— Je le sais, Pierre ; je me le dis souvent, mais que faire ? Est-ce ma faute si…