Page:Mairet - Marca.djvu/285

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je t’aime bien… Ah ! je ne croyais pas t’aimer autant. Mais tu m’es sacrée. Laisse-moi être ton cousin, ton frère, pour ce soir au moins.

— J’ai si faim ! — Elle répétait cela, ne sachant pas bien ce qu’elle disait. Tu sais, Maxime, j’avais encore un peu d’argent tantôt ; mais je l’ai donné à la concierge sans songer qu’il me fallait au moins du pain… Depuis, je marche, cherchant de l’ouvrage ; mais je n’en ai pas trouvé. Il me semble qu’il y a des mois que je marche… je suis bien lasse, va !

Pour toute réponse, il l’enleva dans ses bras, comme un enfant malade ; et elle se laissa faire. Une fois déjà, il l’avait tenue ainsi, et il l’avait alors sauvée d’un grand danger : il la sauverait encore !

Il était très tard, quand Pierre, fatigué de son travail, rentra enfin. La lune, déjà vieille, jetait une lueur blafarde sur toute la maison endormie ; il n’y avait de lumière que dans le petit hôtel au fond de la cour. Pierre s’arrêta un instant, contemplant avec un sourire amer le logis de celui que Marca aimait, et qui, lui, l’oubliait si gaillardement. Il y avait, sans doute, au pavillon une belle orgie qui durerait jusqu’au matin. Pendant qu’il regardait, la porte s’ouvrit discrètement ; il était trop loin pour voir ce qui se passait ; mais quelqu’un s’en allait. Il eut la curiosité de voir qui ce pouvait être ; il aurait voulu forcer Marca à voir comme lui, afin de