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Page:Mairet - Marca.djvu/79

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rendus avec une vérité parfaite ; c’était la vie même ; la tête, fort jolie, d’une beauté un peu maladive, disait toute l’histoire de la misère de Paris ; elle méritait mieux que ce qui lui était tombé au sort ; il y avait dans ses yeux attachés sur le visage du peintre — visage d’une régularité banale, — une expression de résignation douloureuse. Elle était encore si jeune, qu’elle souffrait de se montrer ainsi à ce beau garçon qu’elle aurait pu aimer… mais on a un métier, et on le fait ; il faut bien gagner sa vie. Il paraît qu’on s’y fait vite… Pas loin de la jeune fille, se tenait la mère, tricot en main ; là le « naturalisme » dans le bon sens du mot, se faisait sentir ! c’était un poème à elle seule que cette femme ; tout y exprimait son caractère, depuis le châle fripé, noué par derrière, jusqu’aux rides du visage sordide. — Quand on a une fille, belle comme cela, c’est pour en tirer profit ; elle-même a été modèle dans le temps, et sait que le métier est bon ; mais la jeunesse est difficile à conduire, et elle ne tient pas à voir sa fille s’émanciper comme tant d’autres, planter là sa mère, et s’en aller courir la prétentaine. — On y gagne aussi, il est vrai, mais c’est pour soi, alors, et on gaspille sans songer qu’on a des devoirs de famille — des devoirs sacrés — à remplir. Le cliquetis des aiguilles à tricoter devait dire tout cela, dans le silence de l’atelier.