Page:Mairet - Marca.djvu/91

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qu’il fallait se faire pardonner, non seulement ses millions, mais les dix années qu’elle avait de plus que son amant ; il lui fallait être pour lui quelque chose de plus qu’une femme : un être à part, idéal, un peu mystérieux. Ivan, d’une nature concentrée et portée à l’enthousiasme contenu, l’adora comme elle voulait être adorée. Il ne se demandait pas si elle était belle, si elle était jeune : elle était elle-même ; cela suffisait. Les rares rendez-vous, les quelques rencontres fortuites, le jetaient dans une exaltation passionnée ; et les longues semaines de solitude se passaient en rêves. L’imagination faisait son travail inévitable ; Véra était devenue peu à peu une perfection vivante qu’il adorait à deux genoux ; les accès de franchise qui la prenaient quelquefois, où elle parlait d’elle-même avec cette curiosité froide qu’elle mettait à toutes ses études psychologiques, ne faisaient que l’effaroucher un peu, sans lui ouvrir les yeux.

Depuis six mois un changement s’était introduit dans leur vie. Ivan, dont la mère venait de mourir, désira revoir Paris ; Véra de son côté se souvint de la « ville qu’elle aimait » ; ils prirent le chemin des écoliers ; et perdus dans une villa aux environs de Naples, loin des importuns, ils connurent enfin la vie à deux. Véra prit en pitié les années déjà écoulées ; elle ne comprenait plus ses réticences, ses peurs de trop vite dépenser un trésor qu’elle estimait main-