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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

de retarder la décomposition du sang sec ainsi obtenu, et de l’assimiler presque, sous ce rapport, à la chair musculaire traitée de même à 100°, puis desséchée et mise en poudre.

Le sang et la chair musculaire ainsi obtenus à l’état sec suivent donc mieux et plus graduellement, dans leur altération spontanée, les progrès de la végétation, et sont bien préférables, comme engrais, au sang qui, desséché à une température plus basse, a conservé sa dissolubilité dans l’eau. Ce dernier mode de dessiccation doit donc être rejeté, quoique plus économique quelquefois, à moins que l’on ne destine le sang sec à la clarification des sirops de betteraves, de cannes, de fécule, etc.

L’expérience, en effet, a démontré que pour fumer un hectare de terre en culture, si l’on emploie 850 kilog. de sang sec soluble, c’est-à-dire desséché à l’air ou à basse température, 750 de sang coagulé insoluble, ou seulement 650 kilog. de chair musculaire suffiront encore ; ces deux derniers agens fourniront plus aux derniers développemens des plantes qu’il importe le plus de favoriser, c’est-à-dire aux époques de la floraison et de la fructification, et permettront d’obtenir la plus forte proportion des produits qui ont le plus de valeur.

Une autre circonstance propre à retarder la décomposition des substances animales, molles ou liquides, et à augmenter considérablement ainsi leur effet réalisable comme engrais, résulte de leur mélange avec des charbons poreux en poudre. Nous donnerons dans le § VIII quelques détails sur cet important phénomène.

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§ vi. — Fabrication et emploi de la poudrette.

Parmi les substances liquides ou molles que l’on peut réduire par l’évaporation à un volume et un poids moindres, on doit compter la matière fécale, base de l’engrais flamand dont nous avons parlé. Voici comment on opère sa dessiccation depuis un temps fort reculé près des grandes villes : on construit dans un local voisin de la ville, et assez distant toutefois des habitations pour éviter d’y porter une trop forte odeur, des bassins d’une grande étendue et de peu de profondeur, soit en maçonnerie, soit en terre glaisée. Leur capacité totale doit pouvoir contenir la vidange de 6 mois au moins ; ils doivent être au nombre de 4 ou 5 et disposés par étage, de manière à pouvoir être vidés les uns dans les autres sans frais de main-d’œuvre. Le bassin le plus élevé reçoit chaque nuit toutes les vidanges opérées, et lorsqu’il est rempli jusque près des bords, on lève une vanne qui fait écouler dans le deuxième bassin la partie la plus liquide surnageante. Plusieurs décantations ont lieu de même successivement, et le liquide écoulé laisse déposer dans ce deuxième bassin une partie de la matière solide très-divisée qu’il tenait en suspension. Lorsque ce bassin est rempli, on décante de même le liquide surnageant à l’aide d’une vanne, dans le troisième bassin, où un nouveau dépôt et une nouvelle décantation s’opèrent encore de la même manière. Enfin, à l’issue du quatrième ou du cinquième bassin, le liquide surnageant s’écoule au fur et à mesure que les nouvelles matières arrivent, et va se perdre, soit dans un cours d’eau, soit dans des puisards, ou, comme on l’a pratiqué dernièrement, dans des puits artésiens.

Lorsque le dépôt est assez abondant dans le bassin supérieur, on le laisse égoutter le plus possible en abaissant la vanne, et pendant ce temps les vidanges journalières sont versées dans une série de bassins disposés comme nous venons de le dire et latéralement aux premiers. La matière égouttée garde fort long-temps une consistance pâteuse ; on l’extrait en cet état, à l’aide de dragues, de louchets ou d’écopes en fer, et on l’étend sur un terrain battu, disposé en pente comme une chaussée bombée, de manière à ce que les eaux pluviales ne puissent s’y accumuler. De temps à autre, on retourne cette matière, à l’aide de pelles, afin de changer la surface en contact avec l’air et de hâter la dessiccation. On continue cette manœuvre jusqu’au moment où la matière fécale a perdu assez d’eau par cette évaporation spontanée pour être devenue pulvérulente : c’est en cet état qu’on l’expédie sous le nom de poudrette.

On la conserve autant que possible sous des hangars à l’abri de la pluie, ou du moins on la relève en tas d’une forme pyramidale et bien battue, en sorte que les eaux pluviales pénètrent peu et s’écoulent rapidement.

L’opération que nous venons de décrire est fort simple, mais elle entraîne de graves inconvéniens : la dessiccation, irrégulièrement opérée, dure de 4 à 6 années, suivant que les circonstances atmosphériques sont plus ou moins favorables ; pendant un temps aussi long, le contact de l’air et l’humidité entretiennent une fermentation constante qui développe les émanations les plus infectes jusqu’à près d’une lieue de distance. Outre le dégoût profond que de telles émanations répandent aux alentours, elles ont encore le mauvais effet d’entraîner, en pure perte pour l’agriculture, la plus grande partie des gaz qui auraient dû concourir à la nutrition des plantes.

L’emploi de la poudrette en agriculture ne présente d’ailleurs aucune difficulté ; elle est répandue sur les terres au moment des labours, dans la proportion de 20 à 30 hectolitres par hectare : cette fumure active puissamment les premiers progrès de la végétation et développe beaucoup les parties vertes des plantes ; mais, trop rapidement épuisée, on lui reproche de manquer au moment de la floraison et de la fructification des céréales.

Répandue sur les prairies, dans la proportion de 18 à 24 hectolitres par hectare, elle ranime souvent d’une manière remarquable leur végétation, mais occasione un goût désavantageux à la vente des produits de la récolte, ainsi que plusieurs autres engrais infects dont nous allons parler.

Urate. — On a donné ce nom à des mélanges d’urine avec du plâtre en poudre ou quelque-fois de la craie, de la marne séchées. L’engrais pulvérulent qui en résultait pouvait offrir une certaine activité, mais tellement