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DU BEURRE.


l’agglomération des globules butireux et de les réunir en une masse homogène. Une certaine température douce, qui, sans faire passer le beurre à l’état liquide, permet cependant aux globules de s’accoler les uns aux autres, est nécessaire pour sa formation.

Le beurre s’altère assez promptement par le contact de l’air. L’altération est due, suivant quelques chimistes, à sa combinaison avec le gaz qui fait partie de l’air, et qu’ils ont nommé oxigène. Cette combinaison communique au beurre un goût âcre, piquant et désagréable, qu’on désigne sous le nom de rancidité.

On a cru pendant long-temps que dans le battage ou barattage, l’oxigène était le principe le plus actif de la formation du beurre ; mais des expériences faites dans ces derniers temps ont prouvé que cette formation pouvait avoir lieu en vaisseaux clos, qu’il n’y a pas d’oxigène enlevé à l’air pendant cette opération, et que la séparation se fait aussi bien dans le vide que dans tous les gaz qui n’exercent pas d’action chimique sur la crème.

Le beurre s’altère d’autant plus promptement qu’il contient plus de sérum et de matière fromageuse. C’est pour l’en débarrasser autant que possible qu’on a recours à une opération appelée délaitage.

Le beurre de lait de vache, auquel s’appliquent les détails dans lesquels nous venons d’entrer, n’est pas le seul en usage dans l’économie domestique et rurale. On prépare encore du beurre avec le lait d’autres animaux. Les plus usités en France sont : 1° le beurre de brebis, qui a moins de consistance que celui de vache, est jaune pâle en été, blanc en hiver ; est gras, rancit facilement lorsqu’il n’est pas très-soigneusement lavé, et entre plus aisément en fusion ; 2° le beurre de chèvre, qui est constamment blanc, et a un goût particulier ; il se conserve plus longtemps sans altération, mais il est en quantité moindre que les deux autres dans un même volume de lait ; 3° le beurre d’ânesse, qui est mou, blanc, assez fade, rancit aisément et est difficile à extraire.

La fabrication du beurre exige non seulement la plus stricte propreté, si on ne veut pas perdre sur la qualité et la quantité, mais ce corps s’attachant à tout ce qu’il touche, il faut, pour prévenir cette adhérence, nettoyer tous les vases et ustensiles avec une lessive faite de cendres fines, ou les frotter avec des orties grièches macérées dans l’eau, de sorte qu’elles ne piquent plus. La personne qui retire le beurre de la baratte, et qui le pétrit, est également obligée de se frotter les mains et les bras avec la lessive pour empêcher qu’il ne s’y attache.

Les beurres français les plus délicats et les plus fins, sont, pour les beurres frais en mottes, ceux du pays de Bray (Seine-Inférieure), dits de Gournay ; ceux du Calvados et de la Manche, dits beurres d’Isigny, etc. Sur les marchés de Paris ces beurres, dits d’élite, sont divisés en mottes de premier choix, beurre fin, bon et commun. Viennent ensuite les beurres en moites de la Sarthe et de l’Orne, dits petit beurre, et enfin les beurres en livres provenant d’un rayon de 30 lieues autour de Paris, qui se divisent encore en ronds et en longs. Parmi les beurres sales, on estime ceux de la Bretagne, et surtout celui des environs de Rennes, connu sous le nom de beurre de la Prévalaye, et les beurres de Flandre, etc., etc.

§ II. — Des barattes et autres ustensiles.

La baratte ou battoir est un vaisseau ordinairement en bois qui sert pour battre la crème dont on veut retirer le beurre. Beaucoup de pays ont des barattes qui leur sont particulières et qu’on y préfère à toutes les autres, et on a proposé pour ces vaisseaux et pour le mécanisme qui les fait fonctionner, un grand nombre de formes variées, tantôt bonnes, tantôt mauvaises ; toutefois, avant de faire connaître quelques-uns des ustensiles de ce genre qui sont les plus usités, nous indiquerons les principales conditions que leur construction doit remplir.

Une bonne baratte doit : — 1° être construite en bois bien sec, homogène, et qui ne communique aucun goût ou odeur au beurre ; elle sera cerclée en fer. On en construit aussi de très-bonnes en fer-blanc, en étain et même en terre ; — 2° être facile à nettoyer, à visiter intérieurement et à faire sécher promptement ; — 3° être construite avec beaucoup de précision, toutes les pièces joignant avec exactitude, et avoir le moins possible d’angles aigus, de vides, de fissures et de réduits où la brosse et le balai ne peuvent pénétrer ; — 4° permettre un écoulement facile du petit lait, le lavage parfait et l’enlèvement aisé du beurre ; — 5° offrir des moyens prompts et sûrs de réunir le beurre, une fois qu’il est formé, en une seule masse solide :— 6° donner accès à l’air et à son renouvellement ; — 7° exiger le moins possible de force pour transformer en beurre une quantité déterminée de crème ;— 8° permettre un mouvement lent, régulier et mesuré. Un défaut des barattes tournantes, c’est qu’on est disposé à leur imprimer un mouvement trop rapide ; — 9° fabriquer le beurre avec célérité sans nuire cependant à sa qualité ou sa quantité ; — 10° être d’un service et d’un emploi commode ; — 11° être solide, facile à construire partout, d’un prix modéré, et peu coûteuse a entretenir.

La grandeur des barattes dépend de la quantité de beurre qu’on veut fabriquer ; mais dès que ces vases surpassent une certaine capacité, il devient nécessaire d’employer, pour faciliter le travail, divers mécanismes qui varient suivant les pays, ou bien d’appliquer la force des animaux, du vent, de l’eau, soit au moyen de roues verticales, de manèges, soit à l’aide d’autres appareils mécaniques. Ces mécanismes, tout en abrégeant le travail, ont l’avantage de procurer en outre un mouvement plus régulier.

Les barattes doivent être constamment de la plus rigoureuse propreté, et es bonnes ménagères hollandaises les couvrent même d’une chemise de toile pour que la personne qui bat le beurre ne puisse les salir extérieurement.

Les barattes les plus usitées sont les suivantes :