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chap. 7e.
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ÉVALUATION DU SOL DES BOIS.

D’où il suit que ce produit doit être le véritable régulateur de l’estimation du fonds.

Et en effet, on pourrait énumérer beaucoup de circonstances susceptibles d’accroître le revenu, et par conséquent la valeur d’une forêt, sans opérer aucune amélioration dans la qualité de son sol. La création d’usines qui assurent un débouché plus régulier et plus avantageux à ses produits ; l’établissement de routes qui la mettent en rapport avec de nouveaux lieux de consommation et appellent une plus grande concurrence ; enfin, un système d’aménagement mieux combiné, et d’autres moyens industriels, dont l’influence, sans modifier en aucune manière le fonds de la propriété, en élève cependant le prix capital. Ainsi, nous sommes tout-à-fait fondés à établir, comme règle générale, que l’on doit apprécier la valeur d’une forêt, non d’après la nature plus ou moins riche de son sol, mais uniquement d’après la mesure de ses produits ou de son revenu.

Ce revenu se détermine ainsi qu’il suit : on récapitule tous les produits donnés par les coupes annuelles pendant un certain nombre d’années (la forêt étant aménagée réellement ou fictivement), et l’on en prend le terme moyen. Mais ici se présente une question : Quelle série d’années doit-on embrasser pour en déduire le revenu moyen ? On peut borner cette série à 14 ans, comme on le pratique pour déterminer le revenu imposable des terres, et pour évaluer le produit des fonds atteints par les droits de mutation. L’année commune est formée sur 14 années antérieures, moins les deux plus fortes et les deux plus faibles.

Le produit des 14 dernières coupes représentera-t-il exactement le revenu d’un bois ? Oui, si les coupes qui ont précédé cette période sont de la même consistance et de la même valeur que les autres. Dans le cas opposé, on peut déterminer par analogie le produit qu’auraient donné ces coupes, si elles eussent été exploitées dans le même intervalle de temps, en les supposant parvenues au terme de l’aménagement ; ajoutant alors la dernière somme à la première, et divisant le total par le nombre des coupes annuelles, on obtient l’expression numérique du revenu brut moyen.

On déduira ensuite de la somme trouvée : 1° les frais de conservation ou de garde ; 2° les impôts ; 3° les frais de vente, si le bois est en régie ; 4° les frais de repeuplement et d’entretien ; et on aura pour reste le revenu net et moyen de la forêt.

Cherchons actuellement à remonter du revenu d’un bois à l’évaluation de son sol. Afin de mieux fixer les idées, posons la question suivante : Quelle est la valeur foncière d’un hectare de bois actuellement exploité, qui doit, après une période de 25 ans, rapporter 600 fr., tous les frais déduits ? Il est évident que cette valeur doit être égale au capital qu’il faudrait placer aujourd’hui à 4 p. 100 (cet intérêt étant supposé celui des placemens immobiliers) pour obtenir, en revenus seulement, au bout de 25 ans, une somme de 600 f. Le calcul nous apprend que le capital qui satisfait à cette condition est de 360 f. 18 c.

Afin de nous convaincre que cette dernière somme exprime réellement la juste valeur du fonds de l’hectare de bois, mettons en parallèle 2 placemens simultanés, l’un de 360 f. 18 c. à 4 p. 100 d’intérêts sur obligation, l’autre de pareille somme, formant le prix d’acquisition d’un hectare de bois dépouillé de taillis et d’arbres de réserve, ou du moins, dont les réserves sont évaluées et payées à part. L’accroissement du taillis, reproduit par le fonds acheté, représente la progression des intérêts dont se grossit annuellement le capital primitif, dans le placement par contrat de rente. Au bout de la période de 25 ans, ces 2 placemens offriront des résultats entièrement semblables et matériellement égaux ; l’un et l’autre auront produit, dans le laps de temps donné, la même masse d’intérêts, c’est-à-dire chacun 600 fr. Ils sont donc identiques ; le fonds de bois étant payé 360 fr. 18 c. se trouve acheté à sa véritable valeur ; car, à égalité du taux de l’intérêt, les avantages que procure cette acquisition sont les mêmes que ceux qui doivent résulter d’un prêt à intérêt. De part et d’autre, chaque placement, après 25 ans, aura constitué un capital de 960 fr. 18 c, composé de la mise originaire qui est de 360 fr. 18 c, et des intérêts agglomérés qui s’élèvent à 600 fr.

Puisque ces 2 modes de placement conduisent à des résultats tout-à-fait semblables, et qu’ils offrent une égale utilité, on peut indifféremment se décider pour l’un ou pour l’autre ; dès-lors, la somme de 360 f. 18 c. est, sans contredit, l’expression exacte de la valeur vénale d’un hectare de bois qui rapporte 600 f. tous les 25 ans, en admettant, comme nous le ferons dans toute la suite de notre travail, que le taux de 4 p. 100 est l’intérêt moyen des placemens en immeubles, et particulièrement en fonds de bois.

Quel que soit au surplus le taux de l’intérêt, les principes que nous venons d’émettre restent les mêmes ; seulement les conséquences sont différentes : le prix des fonds doit varier, ainsi que nous l’avons vu plus haut, dans un rapport inverse du taux de l'intérêt, c’est-à-dire que plus ce taux est élevé, moindre est le prix du fonds.

Nous avons démontré que la valeur du fonds d’un hectare de bois est égale à la somme qui, étant placée pendant la période de l’exploitabilité, donne en intérêts seulement un produit équivalent au revenu net de cet hectare. Il s’agit maintenant de trouver cette valeur foncière, dans toutes les hypothèses possibles. Si nous voulons résoudre ce problème par les moyens que fournit l’arithmétique, nous serons obligés de recourir à la règle appelée de fausse-position, que nous ferons connaître par une application à l’hectare de bois, dont nous avons déjà déterminé la valeur. Nous chercherons donc quel est le prix du fonds d’un hectare de bois qui rapporte 600 fr. à chaque révolution de 25 ans. Nous supposerons tout d’abord que la question est résolue, et que le capital cherché est 1000 fr. ; puis, nous établirons sur ce chiffre fictif tous nos calculs ultérieurs. Un capital de 1000 fr., placé à 4 p. 100 pendant 25 ans, se grossit d’année en année, selon la progression suivante, que nous ne pousserons