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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/201

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chap. 9e.
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DE L’ÉTABLISSEMENT ET DE LA CONSTRUCTION DES ÉTANGS.

grés. On emploie aussi très utilement pour cet objet un double rang de gazons garnis de touffes de joncs qui reprennent et résistent très bien à l’action des eaux ; lorsqu’on a refait le couronnement de la chaussée, sur la terre nouvelle produite par ce travail, un semis de jonc réussit souvent à faire plus tard une bonne défense. En Sologne, on couronne la chaussée des étangs en dedans avec des cépées de grands roseaux dont on les débarrasse. Dans les parties du Forez qui ne sont pas très éloignées de la pierre, on fait du côté de l’étang un mur à sec qui défend encore mieux.

Il est prudent de ne point mettre ni souffrir d’arbres sur les chaussées ; leurs racines les traversent en tout sens, en désagrègent la terre et percent la clave ; puis, lorsqu’ils viennent à périr par vétusté ou qu’on les coupe, leurs racines pourrissent dans le sol et finissent par y laisser des passages qui deviennent la perte des chaussées.

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§ iv. — Constructions de thous d’étangs.

Nous arrivons maintenant aux artifices qu’on emploie pour retenir ou évacuer à volonté les eaux de l’étang ; ils sont variés, mais pour tous la chaussée est percée à la suite du bief d’un canal d’évacuation ; dans noire pays, on couvre l’origine du canal dans l’étang avec un plateau de bois ou une dalle en pierre (fig. 201, 202, 203) percée d’un trou conique, par lequel l’eau de l’étang s’introduit dans le canal. Ce trou se bouche au moyen d’un pilon, bouchon, bondon en bois, taillé de manière à remplir le trou ou œil du canal ; on donne à cet œil une forme conique, dont le plus petit diamètre est égal à la largeur de ce canal ; le pilon se manœuvre par une tige en bois qu’on soulève depuis le terre-plein supérieur de la chaussée.

Il est peu de constructions où les bois de grande dimension soient aussi nécessaires que dans l’établissement des thous en bois des étangs ; les canaux, soit bachasses, qui traversent les chaussées et doivent souvent offrir jusqu’à 18 pouces de vide en carré, demandent des dimensions qui ne se rencontrent presque pour aucun prix, si on veut les creuser comme on le faisait jadis dans des pièces de bois ; il faut encore du fort écarrissage pour les colonnes entre lesquelles manœuvre le pilon, et pour le pilon lui-même ; puis tout le bâtis de l’embaillage, son revêtement en plateaux ou madriers sur les deux faces qui se projettent sur l’étang, le revêtement en poutrelles du côté de la chaussée, demandent une énorme quantité de bois qui, à l’exception des bachasses, soit canaux de vidange placés en terre, doit se renouveler tous les vingt-cinq ans.

Précédemment, des thous avaient été construits en pierre, mais dans le même système que ceux en bois ; les prix de construction en ont été chers, et les alternatives de gelée, de sécheresse et d’eau les ont assez promptement altérés, en sorte que ces constructions n’ont pas eu un avantage bien évident sur les thous en bois ; il devenait donc important de faire des modifications à ces artifices : un architecte de Bourg, M. Débelay père, a proposé de remplacer la construction en bois qui enveloppe la tige de la bonde, par un puits en pierre ou en brique. Cette construction, qui se rapproche beaucoup de la méthode piémontaise, qu’il ne parait cependant pas avoir connue, a été exécutée avec avantage sur un assez grand nombre de points.

Les premiers essais de ces nouveaux thous ont été faits par mon beau-père et moi ; l’expérience nous a conduits à des modifications que nous avons, dans le temps, consignées dans un mémoire assez étendu, publié dans le Journal d’agriculture de l’Ain ; nous croyons utile de résumer ici les détails nécessaires pour diriger des constructions de cette espèce.

Les thous anciens et nouveaux sont construits dans le même but et avec les mêmes moyens mécaniques ; pour les uns et les autres, il s’agit d’établir et de suspendre à volonté l’évacuation des eaux des étangs retenues par les chaussées ; et dans les uns comme dans les autres cette évacuation se fait par un canal qui traverse la chaussée. Ce canal reste ouvert au dehors de l’étang, mais se ferme à volonté dans l’intérieur par un bouchon rond dit pilon, qui s’engage dans un trou de même forme et intercepte le passage de l’eau. Sur cet œil, dans le nouveau système, on établit un puits en maçonnerie qui renferme le mécanisme, et ce puits, dans son pourtour, se couvre de terre qu’on bat avec soin ; il n’y a donc de différence entre l’ancien et le nouveau système, qu’en ce que dans les thous anciens toute la construction est en bois et reste à découvert, pendant que dans les nouveaux la maçonnerie remplace le bois, et tout le mécanisme est mis à l’abri des injures de l’air ; mais les premiers ont vingt-cinq ans de durée et demandent beaucoup d’entretien, pendant que les seconds, établis avec soin, dureront indéfiniment, sans avoir besoin de réparations.

Les puits se monte au-dessus de l’œil du canal qui en occupe le centre ; on peut toutefois, en ne plaçant pas l’œil au milieu du puits, restreindre ses dimensions, par le double motif de diminuer d’abord la dépense et ensuite la saillie du puits dans l’étang : on laisse sur la gauche, et du côté de l’étang, un intervalle de 13 à 16 centimètres entre l’œil ou bonde et le côté intérieur du puits ; on se ménage ensuite sur la droite un espace double pour pouvoir permettre à un homme de manœuvrer à l’aise avec ses bras dans l’intérieur ; il en résulte alors qu’un puits, pour un œil de 50 centimètres de petit diamètre, peut n’avoir qu’un peu plus d’un mètre de diamètre intérieur.

Le puits communique avec l’étang par un canal qu’on recouvre de terre. Ce canal a 1 mètre et demi de longueur et une largeur suffisante pour qu’un homme, en s’y engageant, puisse prendre sans se gêner le soin nécessaire pour boucher hermétiquement la bonde, ce qui se fait en