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livre viii.
HORTICULTURE.


l’un des deux instruments représentés fig. 68 et 69 ; ces instruments peuvent s’adapter à des manches aussi longs qu’il est nécessaire ; en appliquant leur tranchant sur le talon de la brandie à supprimer, il suffit de frapper avec un maillet sur le bout de ce manche pour couper la branche aussi net qu’avec la serpette la mieux affilée ; parce procédé, l’arbre se trouve convenablement élagué, sans qu’un seul de ses boutons ait été détaché. On a lieu de s’étonner que cette excellente méthode, connue et recommandée par tous les bons auteurs, soit si peu usitée en France ; elle est généralement en usage en Angleterre, en Belgique et en Allemagne ; on croit qu’elle a été originairement pratiquée dans les vergers de l’Amérique septentrionale.

Les arbres, une fois qu’ils commencent à rapporter, veulent être tous les ans visités et nettoyés de toute branche morte ou mal placée ; ces branches se coupent au niveau des branches latérales auxquelles on ne touche jamais ; on les laisse pousser en toute liberté. Quelquefois les productions fruitières se montrent en si grand nombre, qu’il faut en supprimer une partie ; on retranche alors de préférence celles qui sont placées le moins favorablement pour mûrir leur fruit. On ne doit tailler les arbres fruitiers qu’en hiver, pendant le repos de la sève. Si toutefois on craint de se trouver en retard, on commence toujours par les arbres à fruits à noyaux ; ces arbres étant sujets à la gomme souffrent plus que les arbres fruitiers à pépins d’une taille tardive, qui coïnciderait avec le premier mouvement de la sève de printemps. Parmi les arbres du verger, les moins vigoureux de chaque espèce se taillent aussitôt après la chute des feuilles ; les arbres du verger n’ont besoin que d’une légère taille de rafraîchissement tous les ans, et d’une taille à fond tous les trois ou quatre ans. Lorsqu’on ne laisse pas trop vieillir les branches des arbres du verger et qu’on a soin de pourvoir à leur remplacement par du jeune bois, longtemps avant qu’elles soient épuisées, les récoltes sont plus égales, le fruit est plus beau et de meilleure qualité.

Du moment où les arbres fruitiers ont terminé leur croissance, et quelquefois même beaucoup plus tôt, leur écorce se gerce en tout sens ; les fentes servent d’abri aux insectes ; les portions d’écorces mortes et à demi détachées se pourrissent par-dessous et nuisent à la santé de l’arbre. Il est bon d’en débarrasser le tronc et les branches principales en les frottant avec le dos d’une serpe, avec assez de ménagements pour ne pas attaquer l’écorce vive et le bois. Cette opération doit se faire un peu avant la reprise de la végétation au printemps ; on choisit un temps humide et couvert. C’est aussi le moment d’enlever les mousses et lichens qui s’attachent aux arbres dans les lieux humides. Lorsque par négligence on a laissé cette végétation parasite envahir l’écorce des arbres, le moyen le plus prompt de les nettoyer consiste à les enduire de lait de chaux avec un gros pinceau de badigeonneur : la chaux éteinte, délayée dans l’eau, n’ayant aucune consistance, n’adhère point à la surface du tronc et des grosses branches ; les alternatives de temps sec et pluvieux la font promptement disparaître ; elle entraîne en tombant les lichens et les mousses, en même temps qu’elle sert à la destruction des larves d’insectes.

Un arbre languissant, lorsqu’il n’a pas plus de cinq ou six ans de plantation, peut être arraché en novembre ou décembre sans inconvénient. On le traite alors exactement comme s’il sortait de la pépinière ; on visite avec soin les racines pour en retrancher les parties endommagées qui sont ordinairement la cause de son étal maladif ; on taille les branches assez court pour les mettre en harmonie avec les racines raccourcies ; la terre du trou est remaniée à fond et renouvelée au besoin on s’assure s’il n’existe pas dans le sous-sol quelque infiltration qui aurait causé la pourriture des racines, et l’on a soin d’y porter remède, au moyen d’un lit de gravier et de plâtras. L’arbre est ensuite remis en place ; on redouble de soins envers lui pour qu’il regagne le temps perdu.

Lorsqu’un jeune arbre pousse inégalement avec une vigueur désordonnée, c’est le plus souvent parce qu’une de ses racines, par une cause accidentelle, par exemple, quand elle rencontre une veine de terrain plus fertile que le reste du sol, a grandi outre mesure, ce qui a forcé les branches qui lui correspondent à en faire autant. Dans ce cas, on déchausse l’arbre pendant l’hiver, et on met à découvert les principales racines ; celles qui ont causé le désordre sont retranchées, et par des amendements convenables on empêche que celles qui prendront leur place fassent le même effet.

La récolte des fruits des arbres du verger doit se faire avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas nuire aux boutons à fruit, espoir de la récolte prochaine. Les fruits à noyaux exigent sous ce rapport moins d’attention, parce que les yeux à fruit sont peu développés à l’époque de la récolte. Mais les fruits à pépins veulent être cueillis avec les plus grands ménagements, par la raison que leur pédoncule est entouré à sa base de boutons qui sont ou seront des productions fruitières, et qui, à cause de la nature fragile de leurs supports, se détachent au moindre choc. Le moment favorable pour la récolte n’est indiqué par la parfaite maturité du fruit que pour les fruits à noyaux ; plusieurs variétés de fruits à pépins d’été sont meilleurs lorsqu’on les cueille un peu avant leur maturité complète, pour les laisser achever de mûrir sur une planche ; tous les fruits d’hiver sont dans ce cas.

On ne peut indiquer que d’une manière générale les espèces de fruits convenables pour créer un verger ; chacun se décidera d’après les circonstances locales de sol, d’exposition et de température ; le jardinier de profession plantera de préférence les arbres dont le fruit lui promet un débit plus profitable. Nous donne-