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FLORICULTURE.

Nous croyons inutile de pousser plus loin ces exemples ; ce qui précède doit suffire pour mettre les horticulteurs à même de former des tableaux analogues pour toute l’année. Les arbustes, de jour en jour plus nombreux, cultivés pour leurs fleurs, doivent trouver place sur ces listes.

Nos lecteurs remarqueront que nous avons indiqué comme propres à garnir le parterre, plusieurs fleurs sauvages qui n’y figurent point ordinairement, et quelques plantes de terre de bruyère. Les premières, telles que la nature les a faites, nous semblent au moins égales à beaucoup de fleurs obtenues par la culture ; elles sont d’ailleurs susceptibles de gagner beaucoup par les soins du jardinier. Quant aux secondes, quoique les plantes de terre de bruyère exigent quelques soins particuliers, et qu’elles soient l’objet d’une culture à part, on peut néanmoins les mêler aux autres plantes de parterre, surtout lorsqu’on n’en a pas un assez grand nombre pour en remplir un compartiment séparé. Dans ce cas, il suffit de les planter dans une manne d’osier, remplie de terre de bruyère, et enterrée dans la plate-bande ; on peut aussi, en leur donnant à chacune un espace de grandeur suffisante plein de terre de bruyère, se dispenser d’y joindre un panier ; nous avons eu fréquemment occasion de remarquer que les racines des plantes de terre de bruyère ainsi cultivées, se repliaient sur elles mêmes, plutôt que de pénétrer dans la terre de la plate-bande quand elle ne leur convenait pas. La principale utilité du panier consiste dans le terreau qu’il fournit en se décomposant au bout de quelques années.

Section III. — Plantes de collection.

Les fleurs de ces plantes sont celles de toutes qui donnent aux amateurs d’horticulture le plus de jouissances ; dans bien des pays, notamment en Belgique et en Hollande, on ne donne le nom d’amateurs, en horticulture, qu’à ceux qui s’occupent exclusivement des plantes de collection. Ces plantes ont toutes, quoiqu’à des degrés différents, le défaut essentiel de coûter fort cher. Toutefois, comme il y a plus de petites bourses que de grandes, nous donnerons à la suite de cet article les moyens qu’un amateur dont les moyens sont bornés peut mettre en usage pour se former à peu de frais de fort belles planches de toute espèce de plantes de collection.

Les plantes dont nous allons décrire la culture sont de pleine terre et n’ont besoin ni des serres ni de l’orangerie pour passer la mauvaise saison.

§ 1er — Tulipes.

La passion des tulipes, si l’on peut employer cette expression, ne subsiste plus qu’en Hollande et en Belgique. Le goût exclusif professé longtemps pour cette fleur en l’rance, en Allemagne et en Angleterre, s’est graduellement affaibli à mesure que s’est accru le nombre des végétaux exotiques introduits en Europe, et que se sont vulgarités les procédés de culture de ces végétaux ; beaucoup d’amateurs préfèrent aujourd’hui, la dépense étant la même, une serre garnie de plantes qui se succèdent en fleurs presque toute l’année, à une collection de tulipes dont on ne jouit qu’une fois par an. Telle est la raison principale pour laquelle le prix jadis excessif des tulipes a considérablement baissé et doit baisser encore. En Angleterre, une collection de 700 tulipes de choix qui coulait encore il y a vingt ans 6,250 fr. ne coûte plus actuellement (1843) que 2,500 fr. En Hollande, une collection semblable, un peu moins nombreuse, mais plus riche en beaux échantillons, vaut encore de 3,800 fr. à 4,200 fr. Pour le moment, les plus belles collections, les plus estimées des amateurs, sont moins nombreuses en Hollande qu’en Belgique où elles n’ont pas de prix déterminé, parce que presque toutes appartiennent à de riches amateurs qui ne voudraient vendre à aucun prix. A Paris, les collections de tulipes à la disposition du commerce, peu inférieures à celles de Belgique, valent encore de 4 à 500 fr. le cent, en mélange ; il y a des variétés très rares dont un seul ognon se paie de 3 à 500 fr.

Il existe des collections de 2,000 ognons et plus, mais, quoi qu’en disent ceux qui les possèdent, elles contiennent des répétitions ; le nombre des variétés ne dépasse pas 800. et même, on peut dire qu’au delà de 600 il faut faire de cette culture sa principale occupation pour reconnaître des différences réellement imperceptibles.

A part toute passion, la réunion de 600 fleurs toutes différentes, avec leurs nuances vives, d’une richesse incomparable, est réellement une des plus belles productions du régne végétal. Il ne manque à la tulipe que l’odeur ; elle a l’éclat des couleurs, l’élégance des formes et la durée de la floraison ; elle y joint au plus haut degré la persistance dans la forme, la taille et la couleur, et quoique pour se maintenir dans toute la perfection que les amateurs en exigent, elle réclame des soins assidus, la tulipe n’en est pas moins une plante vigoureuse, peu difficile sur le climat et la qualité du sol ; nous pouvons rapporter à ce sujet une expérience directe.

Un jeune paysan de la province de Liège (Belgique), travaillait connue manœuvre dans le jardin d’un château dont le propriétaire était un riche amateur de tulipes. Il trouva moyen de soustraire de très petits caïeux négligés comme sans valeur, et s’amusa à les planter dans un coin du jardin de son père, dans un sol maigre et mal cultivé. En quelques années, il eut toute la collection ; les ognons grossirent, leurs fleurs se formèrent et devinrent d’une beauté remarquable, quoique fort inégales, sans aucune espèce de soin, sans même recevoir de couverture en hiver ; à la vérité, le coin de terre où elles végétaient était passablement