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chap. 4e.
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Des différens engrais.

terre noire de Picardie[1], qui est le plus généralement employée dans ces falsifications, et que l’on transporte à cet effet par forts chargemens dans la Bretagne.

Pour constater cette fraude, il suffit d’étendre une pincée de l’engrais à essayer sur une pelle, et de le chauffer au rouge pendant quelques minutes, puis de le laisser refroidir.

Alors, si l’engrais était pur, la cendre restée sur la pelle formerait une poudre fine offrant une couleur grisâtre uniforme. S’il contenait de la terre noire, la cendre serait graveleuse et présenterait des parties rougeâtres ou couleur de rouille d’autant plus nombreuses que la quantité de terre noire mélangée aurait été plus grande. Nous ne saurions trop engager les agriculteurs à faire cet essai si facile, ou à le confier à un pharmacien de la localité.

On falsifie encore les mêmes engrais, en y mélangeant du frazier de forge et des poussiers terreux qu’on trouve au fond des magasins de charbon de bois et de houille : en général, ces divers mélanges se décèlent à la simple inspection ; ils présentent des parties inégalement nuancées de couleur brune, jaunâtre ou blanchâtre, surtout dans la plupart des grains les plus volumineux que l’on écrase. Enfin, serrés entre les doigts, ils sont plus ou moins graveleux ou rudes au toucher, et grenus, tandis que les résidus de raffineries et le noir animalisé exempts de ces mélanges, sont d’une nuance brune, foncée, très-régulière et d’une grande finesse ; pressés entre les doigts, ils ne présentent aucune partie grossièrement pulvérisée, à moins qu’il ne s’en soit joint quelques-unes accidentellement ; mais alors elles doivent être en très-petit nombre.

Résidus de bleu de Prusse. — On nomme ainsi le résidu épuisé, grisâtre, pulvérulent, de la fabrication du bleu de Prusse ; il ne contient aucune trace de matière organique, et ne pourrait être utilement employé que comme amendement capable d’alléger la terre et de stimuler les forces végétatives par suite de la faible proportion de carbonate et de sels de potasse qu’il retient. Sous ce rapport, l’emploi des résidus précités serait utile, si leur transport était peu dispendieux et leur prix d’achat presque nul.

Il n’en a pas été souvent ainsi : cette substance, évidemment inerte comme engrais, a été mélangée frauduleusement avec les charbons de raffineries et le noir animalisé.

Voici les moyens de reconnaître cette fraude : d’abord une ténuité en général moindre, et une moindre proportion de substances organiques rendent le mélange plus rude au toucher ; quelquefois même on y aperçoit des grumeaux charbonneux, durs, qui ne se rencontrent pas dans les deux engrais non altérés.

Si l’on fait brûler, sur une pelle rouge, ce mélange, la cendre obtenue, délayée dans l’eau et jetée sur un filtre (Voy. ci-devant, p. 42, fig. 32), donne un liquide salé, assez fortement alcalin. Enfin, en calcinant dans une cornue (page 59, fig. 44) le même mélange, et recevant, dans l’acide sulfurique étendu, les gaz dégagés, on obtient moins d’ammoniaque dans la proportion de 30 à 50 et même 80 pour cent. Ce dernier moyen, que nous avons indiqué ci-devant plus en détail, serait applicable à déceler tous les genres de fraude qui précèdent ; mais les procédés plus simples décrits ci-dessus suffisent pour ceux-ci.

Noir en grains. — Depuis quelques années seulement on emploie dans les raffineries une sorte de charbon animal grenu comme de la poudre de guerre, et sur lequel le sirop clarifié filtre aisément sans addition de sang ; on le nomme noir en grains : il ne retient pas de sang ni d’autres matières organiques azotées, mais seulement des traces de sucre. Ce n’est donc point un engrais, et son mélange avec les résidus de raffineries ordinaires est une véritable sophistication ; heureusement il est très-facile de le reconnaître à la grosseur de ses grains : il suffit de le faire glisser entre les doigts.

Nous dirons en terminant que le plus sûr moyen de se mettre à l’abri de toute fraude, consiste à recevoir directement des fabriques ou entrepôts garantis le noir animalisé comme les résidus de raffineries.

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Art. iii. — Des engrais mixtes, plus particulièrement désignés sous la dénomination de fumiers.

Nous avons vu combien est préjudiciable la méthode ancienne des engrais consommés, relativement aux débris des animaux et à la matière fécale, si l’on compare cette méthode avec l’emploi des mêmes débris sans déperdition. Nous allons voir que les mêmes données s’appliquent aux divers fumiers, et nous montrerons que l’on confond à tort, pour ceux-ci, une fermentation préalable toujours nuisible par le dégagement de gaz qui eussent été assimilables, avec une macération quelquefois utile.

C’est généralement à une désagrégation des parties solides que se borne l’utilité des réactions préalables dans les fumiers et composts mis en tas et abandonnés à dessein pendant un temps plus ou moins long.

Ici, la macération spontanée produit un des effets précités de la chaux, en favorisant la dissolution des matières organiques ; mais presque toujours la déperdition des substances les plus altérables, dans ces mélanges, est loin d’être compensée par l’effet obtenu ainsi des parties résistantes.

Nous allons démontrer encore cette asser-

  1. Cette matière, désignée aussi sous les noms de cendres noires ou de cendres pyriteuses, se rencontre très-abondamment en plusieurs localités, notamment dans le département de l’Aisne ; elle se compose d’argile, de sulfure de fer, de sulfate de fer et d’alumine, de substances organiques charbonnées et bitumineuses : délayée dans l’eau, elle donne une solution acide rougissant fortement le papier de tournesol.

    Nous avons indiqué plus haut l’application qu’on en peut faire en agriculture, non comme engrais, mais bien comme stimulant propre à utiliser le carbonate de chaux et les restes des fumures anciennes. (V. ci-devant, page 75.)