Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de trouver de bons assolemens ; malheureusement cela n’est pas toujours aussi aisé qu’on pourrait le croire au premier aperçu. La qualité du sol, — le climat, — les besoins de la consommation locale, — la difficulté et par conséquent le prix élevé du transport, — celui de la main-d’œuvre, — la rareté des bras ou des autres moyens de travail, — et le défaut de capitaux sont autant de causes qui peuvent gêner les meilleures combinaisons en théorie et s’opposer même d’une manière absolue à leur application.

[10 : 1 : 4]

§ iv. — Influence de la nature du sol.

Yvart, dans son important article intitulé Succession de culture du Cours d’agriculture de Déterville, a établi trois grandes classes ou divisions principales de terres sous lesquelles il me semble, comme à lui, que chaque cultivateur peut placer toutes les nuances intermédiaires qui les séparent, en l’apportant à chacune de ces divisions toutes celles qui s’en rapprochent le plus, tant par la nature générale de leur composition que par celle des productions auxquelles elles sont le plus propres, et par toutes les autres circonstances qui peuvent influer sur leurs qualités.

La première division comprend toutes les terres siliceuses, calcaires ou crétacées, plutôt sèches qu’humides, meubles que compactes, élevées que basses, essentiellement propres à la production du seigle, de l’épeautre et de l’orge parmi les graminées annuelles ; — du sainfoin, de la lupuline, du mélilot, du fenu-grec, de la lentille, de l’ers, du lupin, du pois chiche et du haricot parmi les légumineuses ; — de la rave ou du navet, de la navette, de la cameline parmi les crucifères, — et du sarrasin, de la gaude, de la spergule, de la pomme-de-terre, de la patate, du topinambour et du soleil parmi les autres familles naturelles, indépendamment de plusieurs autres plantes vivaces, propres à l’établissement des prairies permanentes, telles que la flouve odorante, la houque laineuse, le dactyle pelotonné, les avoines pubescente, jaunâtre et des prés, la fétuque ovine et plusieurs autres, divers paturins, des canches, des méliques, etc.

La seconde division renferme toutes les terres argileuses naturellement tenaces, plutôt humides que sèches, basses qu’élevées, compactes que meubles, particulièrement convenables à la culture du froment, de l’avoine et de la plupart des graminées vivaces, propres aux prairies dans la première famille ; — des trèfles, des fèves, des pois, des vesces, des gesses, et aussi de quelques autres plantes légumineuses vivaces, propres aux prairies permanentes, telles que les lotiers, les orobes, etc., dans la seconde ; — des choux proprement dits, des choux-raves, choux-navets, rutabagas, colzas ou autres variétés, dans la troisième ; — enfin, de la chicorée sauvage dans la famille des chicoracées.

La troisième division est consacrée à toutes les terres qui, douées de cet heureux état mitoyen, si convenable en toutes choses, s’éloigne des deux extrêmes compris dans les deux premières divisions ; à toutes celles qui, jouissant des proportions convenables de consistance, d’ameublissement, de profondeur et de fraicheur, sont presque également propres à toutes les productions que le climat comporte, et peuvent admettre avec avantage dans leur sein la plupart des plantes précédemment indiquées, mais réclament plus particulièrement l’escourgeon, le millet, le panis, l’alpiste, le sorgho, le maïs et le riz dans la première famille ; — la luzerne, l’arachide, la réglisse et l’indigotier dans la seconde ; — le pastel, la moutarde, etc. dans la troisième ; — le chanvre, le lin, la garance, le tabac, le cotonnier, la courge, le safran, le pavot, la betterave, la carotte, le panais, le houblon, etc., dans d’autres familles.

On conçoit qu’une classification aussi simple ne peut présenter une exactitude bien rigoureuse, eu égard à la variété presque infinie des divers terrains. D’ailleurs, les plantes qui préfèrent l’un ne refusent pas absolument de croître sur tout autre ; mais alors on devra calculer si l’abondance de la récolte pourra indemniser des frais d’une culture plus dispendieuse ou des casualités plus grandes d’une position moins favorable.

Non seulement il importe de faire choix des végétaux qui réussissent le mieux sur chaque sol ; mais, selon sa nature trop légère ou trop forte, pour remédier, dans le premier cas, à son défaut de cohésion et à son aridité, dans le second, à sa ténacité et à son humidité excessive, on doit préférer les cultures les plus propres à lier les molécules et à ombrager la surface, ou celles qui absorbent beaucoup d’eau et qui nécessitent des opérations aratoires destinées à diviser la masse et à faciliter en même temps l’évaporation de ce liquide et l’introduction de la chaleur solaire.

La position particulière d’un champ peut influer autant parfois que sa qualité sur le choix d’un assolement. Dans les plaines unies, d’une culture facile et productive, il serait déraisonnable de ne pas préférer les plantes du plus grand rapport, telles que les céréales, les fourrages légumineux, les récoltes sarclées, les végétaux propres aux arts, enfin tous ceux qui peuvent répondre par la richesse de leurs produits aux soins laborieux qu’ils exigent. — Sur des landes infécondes, sur des terres peu traitables, des pentes peu accessibles à la charrue, où les engrais sont en partie dissipés par les fortes pluies ; — dans les terrains sujets aux inondations et qui courraient le risque d’être minés par les eaux s’ils étaient fréquemment divisés par les labours ; — en des sols d’une grande médiocrité, le contraire arrive. Là, non-seulement le choix des objets de culture est beaucoup plus restreint, mais les frais de main-d’oeuvre étant plus considérables comparativement aux bénéfices de la récolte, on doit chercher à simplifier les premiers le plus possible. Il faut que la proportion des prairies ou des pâturages permanens, avec les terres labourables, soit toujours telle, que d’une part les opérations aratoires deviennent moins multipliées et plus faciles,