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chap. 15e.
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DU FROMENT.

nous pensons qu’on ferait bien de semer toujours de bonne heure si on était prêt à le faire, circonstance assez rare, tantôt parce que les sécheresses, en se prolongeant, rendent les labours impossibles, tantôt parce que des pluies accidentelles ne permettent pas d’entrer dans les champs. Les terres argileuses, surtout, présentent fréquemment l’un ou l’autre de ces empêchemens ; aussi, laissant tout autre travail de côté, le semeur doit-il saisir avec empressement l’occasion favorable, celle ou les mottes se trouvent dans un état moyen entre l’humidité et une dessication excessive, de sorte qu’elles puissent obéir convenablement a l’action de la herse ou du versoir.

Au printemps, les semailles précoces sont presque toujours fort avantageuses, parce que les blés ont le temps de développer un plus grand nombre de talles avant l’époque où les chaleurs les saisissent. Malheureusement, si la dureté du sol n’est pas à craindre dans cette saison, l’eau qu’il contient en surabondance est souvent un très-grave obstacle sur les terres à froment, non seulement parce qu’elle entrave le labour ; qu’elle rend impossibles les semis sous raies ; mais encore parce qu’elle contribue physiquement à empêcher ces sortes de terres de s’échauffer aussi promptement qu’il serait désirable. Un tel effet est d’autant plus marqué que l’argile domine davantage dans la couche labourable, et que celle-ci repose sur un sous-sol peu perméable.

§ viii. — Des divers modes de semailles.

On en connaît trois principaux : les semailles à la volée, celles au semoir, enfin, celles au plantoir.

Les semailles à la volée se font sur raies, c’est-à-dire à la surface du champ, pour être recouvertes à la herse ; ou sous raies, de manière a l’être par la charrue. Nous ne répéterons pas ce qui a été fort bien dit, sur ces deux moyens, par l’un de nos collaborateurs, dans le vii chapitre de ce livre, auquel nous renvoyons le lecteur : pour les procédés généraux de sémination, ceux que l’on emploie pour recouvrir la semence et plomber le terrain ; — pour l’importance de la coopération d’un bon semeur ; — relativement à la difficulté de donner, pour exécuter les semis à la volée, des indications suffisantes pour mettre au fait celui qui ne serait pas familiarisé par la pratique avec les précautions qu’exige cette opération ; — pour le choix des instrumens ou ustensiles qu’emploie le semeur pour porter la graine qu’il répand, etc., etc.

Les avantages des semis sous raies sont de permettre : de recouvrir davantage les semences dans un terrain léger ; — de les répandre sur un fonds en quelque sorte plombé par suite de l’action de la charrue ; — de les défendre plus efficacement contre les effets du déchaussement ; mais, à côté de ces avantages, se trouve l’inconvénient grave de la lenteur du travail, qui compense souvent et bien au-delà, la perte de semences que l’on reproche avec raison aux semailles sur raies, quelques soins que l’on donne au hersage. L’extirpateur offre un moyen expéditif d’enterrer, si non précisément sous raies, au moins d’une manière analogue.

Les semis en lignes présentent d’incontestables avantages pour la culture de la plupart des récoltes dites sarclées ; mais, ainsi qu’on a pu le voir dans le chapitre déjà précédemment cité, ils n’ont pas jusqu’ici prévalu en France pour les céréales, ni même dans la plupart des provinces d’Angleterre, quoiqu’on les considère, dans beaucoup de parties de ce pays, « comme le meilleur moyen connu jusqu’ici de cultiver les grains, et aussi de conserver la fertilité du sol par la destruction des mauvaises herbes. » (Sir J. Sinclair, Agriculture pratique et raisonnée.)

Les principaux argumens que font valoir les Anglais en faveur de l’emploi du semoir, pour les céréales, sont, après l’économie des semences, la régularité du travail, la facilité de régler la profondeur selon la nature des terrains, et de donner les façons qui facilitent la végétation pendant les diverses phases de la croissance des plantes ; — de pouvoir diminuer au besoin la quantité d’engrais, tout en augmentant leur efficacité, parce qu’on les met en contact immédiat avec les racines. Ils considèrent de plus que les binages faits entre les lignes sont utiles, non seulement à la récolte principale, mais aussi au trèfle ou a toute autre prairie artificielle semée au printemps ; — que les blés semés en lignes sont moins sujets à verser, parce que leurs chaumes acquièrent plus de force ; — que les frais de moisson d’une récolte semée en lignes sont moins considérables que ceux d’une récolte semée à la volée, puisqu’il est reconnu que, dans le premier cas, trois moissonneurs font autant d’ouvrage que quatre dans le second ; — que les semis en lignes ont une croissance plus égale, et que leurs produits sont en général de meilleure qualité ; — enfin, que les semailles en ligne, par suite des binages qu’elles admettent, non seulement facilitent la destruction d’une partie des insectes nuisibles, mais concourent puissamment au succès des assolemens dans lesquels les céréales reviennent fréquemment, parce qu’elles empêchent l’envahissement progressif des mauvaises herbes.

À ces diverses raisons, dont plusieurs ne sont ni sans fondement, ni sans importance, nos praticiens objectent le prix élevé des semoirs, qui ne permet pas de les introduire dans les petites exploitations ; l’irrégularité du travail de la plupart d’entre eux sur les sols pierreux ou en pente ; — le surcroît de main-d’œuvre, qui ne leur paraît pas suffisamment compensé par la différence des récoltes ; — les retards indispensables qu’entraîne l’emploi de ces sortes de machines, et qui sont incompatibles avec la célérité qu’exigent les semailles d’automne, et surtout celles de printemps, dans les saisons pluvieuses ; — enfin, loin d’admettre que les semis en lignes aient une croissance plus régulière, ils ont reconnu qu’elle est parfois tellement inégale, par suite des développemens progressifs des talles latérales, qu’à l’époque de la moisson, lorsqu’une partie des chaumes et des épis ont atteint un grand développement