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chap. 16e.
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DES FEVES.


sème en décembre, sans s’inquiéter beaucoup du froid, parce qu’on croit que, si une gelée les atteint, les feuilles jaunissent à la vérité, mais qu’il en pousse d’autres, de sorte qu’on s’aperçoit à peine que les plantes aient souffert. Toutefois il ajoute que les fèves semées tard lui ont particulièrement réussi.

En Angleterre, on attend que les plus grands froids soient passés. Selon la disposition des saisons et l’état des terres, on commence vers la fin de janvier, et on ne finit jamais plus tard que la fin de mars. Communément on saisit la première occasion favorable après la Chandeleur. — Dans le centre et le nord de la France on suit la même coutume. Il faudrait un concours assez rare de circonstances atmosphériques favorables, pour que les semis d’avril donnassent d’aussi abondans produits que ceux d’hiver. — Si on voulait semer en automne, il faudrait choisir les variétés que j’ai fait connaître comme les plus rustiques ; encore succomberaient-elles à des hivers un peu rigoureux.

La quantité de semence change selon les lieux et l’espacement qu’on croit devoir donner aux lignes, cet espacement étant plus considérable dans les localités naturellement humides ou sur les terrains très fertiles ; la proportion de semence doit être moindre dans ces deux cas que dans les circonstances contraires. En général, cette proportion varie entre deux et trois cents litres.

Il y a deux manières principales de semer les fèves : le semis à la volée, dont on fait rarement usage autrement que pour les cultures fourragères qui nous occuperont ailleurs ; — les semis en lignes, de beaucoup préférables aux autres, et qui se pratiquent de diverses façons.

Quelquefois le semeur suit la charrue et laisse tomber les graines une à une au fond de chaque sillon, ou de chaque deuxième ou troisième sillon, ce qui porte l’écartement des lignes de 9 ou 10 pouces (0m 244 ou 0m 271) à 28 ou 30 pouces (0m 659 ou 0m 663).

D’autres fois, comme l’indique Robert Brown, on dépose la semence avec le semoir dans les sillons, et on refend les raies pour les recouvrir ; puis on herse quelques jours après.

Avec le semoir de M. Hugues, la terre étant préalablement ameublie et nivelée, en une seule opération on répand la semence, on la sème et on la recouvre parfaitement, à la distance et à la profondeur les plus convenables, eu égard à la nature du sol.

§ IV. — Soins d’entretien.

Quel que soit le mode de semis qu’on aura adopté, des binages d’autant plus fréquens que le sol contient davantage de semences de mauvaises herbes, seront plus tard indispensables. Souvent la première de ces opérations se fait à la herse, peu de jours avant la levée des fèves, de manière à faciliter leur sortie et à détruire à leur naissance les plantes adventices qui se montrent dès-lors sur le terrain. Un pareil travail est d’une très-grande utilité sur les sols argileux, surtout lorsque les pluies en ont tassé la surface avant le moment de la germination.

Les binages qui se font ultérieurement à la levée des jeunes fèves, commencent, dans beaucoup de lieux, douze à quinze jours après qu’elles se sont montrées. Lorsque les rayons sont suffisamment espacés, c’est-à-dire lorsqu’il se trouve entre chacun d’eux au moins 18 pouces (0m 338), on se sert avantageusement de la houe à cheval ; — s’ils n’étaient distans que de 9 à 10 pouces (0m 244 à 271), il faudrait recourir à la houe à main. — Les deux méthodes présentent leurs avantages. — La première, comme plus expéditive, est mieux appropriée aux habitudes de la grande culture ; on peut la préférer dans les localités où les bras manquent. La seconde, en ne la considérant que dans ses rapports avec la plante qui nous occupe actuellement, est à la vérité plus dispendieuse, et pourtant, dans presque tous les cas, plus lucrative, non que la perfection soit plus grande, mais parce que, en augmentant le nombre des lignes, on augmente sensiblement les produits de la récolte. — Si, dans les localités humides et froides ou d’une fécondité plus qu’ordinaire, on trouve utile d’adopter le plus grand espacement, je pense que plus généralement 12 à 15 pouces (0m 325 à 0m 334) suffisent pour les plus grosses espèces. — Ajoutons que, de même que le semoir Hugues permet de modifier à volonté l’écartement des rayons, le sarcloir ingénieux inventé par le même agronome (voy. pag. 225 fig. 326) permet aussi, avec une économie notable sur le temps ordinaire employé aux binages à la main, de labourer entre les lignes peu espacées, même des cultures céréales.

On doit biner et sarcler les fèves au moins deux fois pendant le cours de leur végétation. Il est des localités où, après le dernier binage, on sème des navets, soit pour les récolter, soit pour les enterrer à la charrue comme engrais ; mais il ne faut pas perdre de vue qu’un des grands avantages de la culture des fèves est d’en préparer une de froment. A cet effet, on les enlève dès qu’elles sont suffisamment mûres, pour donner tout de suite un premier labour.

En beaucoup de lieux, on est dans l’usage de pincer la sommité des fèves au moment de la floraison. Cette opération a pour but, soit de détruire les pucerons qui endommagent gravement ces sortes de cultures lorsque la saison favorise leur rapide propagation ; — soit de faire mieux nouer les fruits. Dans le premier cas, le pincement est incontestablement nécessaire, mais il est douteux qu’il le soit également dans le second. Je manque d’expériences comparatives pour mieux asseoir un jugement à cet égard.

Quant au butage, fort bon dans les terrains légers pour maintenir la fraîcheur au pied des touffes, je ne me suis jamais aperçu qu’il fût, sauf cette circonstance, aussi avantageux sur les cultures de fèves que sur celles de maïs, de millet, etc. ; cependant je dois dire qu’il est généralement utile et jamais nuisible, à moins qu’on ne veuille plus tard faucher la récolte, ce qui devient plus difficile, à cause des inégalités du terrain.

§ V. — De la récolte et des produits.

Les fèves semées à l’automne, dans le midi,