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l’homme, parce qu’après avoir été mangés, ils laissent dans la gorge une substance acre qui en lèse les parois, propriété commune à beaucoup de végétaux récoltés avant maturité. Plusieurs faits prouvent que certaines espèces de pommes-de-terre sont plus exposées que d’autres à la frisolée ; cette maladie fait moins de ravages sur les montagnes que dans les plaines et dans les bas-fonds. Elle est héréditaire, et ce n’est que par une bonne culture que l’influence en est paralysée à la 4e ou 5e génération. Le seul remède connu, c’est de renouveler l’espèce par des semis ou des importations de variétés nouvelles.

Les tubercules sont aussi sujets à quelques maladies, notamment à une espèce d’ulcère qui attaque leur surface, et qui n’est pas encore bien connu ; on l’attribue aux principes ammoniacaux ou alcalins des fumiers, et on ne peut y remédier qu’en changeant la semence ou le terrain.

Effet de la soustraction des fleurs. — Il est hors de doute que la formation des fleurs et des fruits ne s’opère qu’au détriment des substances élaborées par la plante ; mais l’augmentation de produit obtenue par ce moyen est tellement insignifiante, qu’elle ne peut entrer en comparaison avec les frais qu’exige un pareil travail. Cette méthode peut amuser l’amateur et l’horticulteur ; mais, quoi qu’on en ait dit dans ces derniers temps, elle ne mérite pas d’être prise sérieusement en considération par le cultivateur.

Soustraction des feuilles. — Si c’est par les racines que les plantes s’assimilent les élémens de fertilité que contient le sol, c’est par les feuilles qu’elles exploitent les couches atmosphériques à leur profit. Si on enlève à une plante le feuillage qui lui procurerait encore beaucoup d’alimens, il est hors de doute que le produit ne doive être diminué dans une proportion plus ou moins grande, et en rapport avec l’époque où s’opère la soustraction. C’est ce qui résulte évidemment de quelques expériences directes sur cet objet, que l’on doit à Mollerat.

Le fanage coupé immédiatement avant la floraison, on a eu en tubercules, par hectare, 4,300 kilog. ; le fanage coupé immédiatement après la floraison, le produit en tubercules a été de 16,330 kil. ; le fanage coupé un mois plus tard, le produit en tubercules a été de 30,700 kil. ; le fanage coupé un mois plus tard encore, le produit en tubercules a été de 41,700 kilog.

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§ xi. — De la récolte.

L’époque de la récolte dépend de la variété cultivée et d’une foule de circonstances qu’il serait trop long d’énumérer. Des faits bien observés ont détruit l’opinion émise par plusieurs cultivateurs, que les tubercules récoltés avant maturité ont une influence malfaisante sur la santé des consommateurs. Mais des inconvéniens très-graves sont attachés aux récoltes prématurées. Si les produits ne nuisent point à la santé, ils flattent peu le goût ; la conservation est très-difficile et la production diminuée.

La maturité se reconnaît a la teinte jaune des tiges et des feuilles ; quand même cet indice n’avertirait pas que l’époque de la récolte est arrivée, on devrait néanmoins arracher les morelles si une gelée avait bruni les tiges.

La récolte se fait : 1o avec des instrumens à main ; 2o avec des instrumens conduits par des animaux. Le premier procédé est pratiqué généralement dans la petite culture, et même par la grande dans les contrées où les cultivateurs ne connaissent pas les charrues à arracher les plantes tuberculeuses. C’est le plus long, le plus coûteux, mais c’est aussi souvent le plus parfait, parce qu’il laisse moins de tubercules dans le sol. Pour rendre la besogne plus facile, il faut prendre les plantes un peu sur le vert, afin que les tubercules, encore fortement attachés aux racines, s’arrachent avec facilité. On se sert pour cela d’instrumens appropriés à la nature du terrain ; de la bêche dans les terres franches et un peu humides, du crochet dans les terres sèches et graveleuses, de la fourche dans les terrains pierreux.

La récolte à la charrue finira par triompher des répugnances qu’on a contre elle dans bien des provinces. Les inconvéniens qu’ont cru lui trouver des praticiens qui ne l’ont point essayée par eux-mêmes, ne sont qu’illusoires, et les bons esprits finiront par avouer que c’est grever leurs récoltes d’une dépense inutile que d’employer exclusivement les bras de l’homme pour l’extraction des pommes-de-terre. Lorsque les tiges ont éprouvé un commencement de dessiccation, ou, qu’étant vertes encore, on les a coupées ou fait pâturer, afin qu’elles n’entravent point l’instrument dans sa marche, on conduit le butoir dans le champ de pommes-de-terre, on place les deux chevaux de front, de sorte que l’ados où se trouvent les tiges soit précisément entre les deux animaux. On fait piquer l’instrument à une moyenne profondeur, et on lui imprime une direction telle que, dans son mouvement de progression, il fende toujours en deux parties égales la butte qui est devant lui, et que le double versoir éparpille de chaque côté la terre et les tubercules. On procède du reste comme il a été dit en traitant de la récolte des racines (page 303), à laquelle nous renvoyons.

Lorsque tous les tubercules sont ramassés et mis en tas sur le sol ou déposés immédiatement dans des chariots de transport, on donne un coup de herse pour découvrir les tubercules qui auraient été couverts de terre.

Un grand avantage de la récolte exécutée au moyen des animaux de travail, c’est que la terre se trouve labourée et préparée sans frais pour un ensemencement de céréales d’automne.

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§ xii. — Conservation des pommes-de-terre; emploi des tubercules gelés.

Outre les moyens généraux de conservation que nous avons indiqués pour les racines alimentaires, il en est quelques-uns de particuliers pour les pommes-de-terre, parce que le haut prix qu’on peut en obtenir à certaines époques est plus que suffisant pour payer les frais de construction ou de manipulation nécessités par les procédés que nous allons décrire.

Dans une excavation creusée dans un sol