Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/481

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local particulier était disposé dans l’étable même pour y préparer les rations, et une balance y servait à peser les animaux et les fourrages. — Ces moutons ayant été pesés individuellement à jeun, le 17 décembre, le poids total se portait à 3,053 livres ou demi-kilogrammes, ce qui donnait un poids moyen de 62 livres 30 par individu. Comme il était fort important d’égaliser les lots sous le rapport du poids des animaux, on a assorti ceux-ci de manière que chaque lot pesât 436 livres, excepté un qui se trouva excéder ce poids d’une livre. Le même jour, on plaça les animaux dans leurs cases respectives, et, le lendemain 18, on commença l’expérience, qui fut continuée pendant 5 semaines.

De premiers essais, faits exclusivement avec de la luzerne, ayant amené d’abord ce résultat, que 15 livres de cette plante sèche, par jour, pour chaque lot, ou 2 liv. 1/7 par tête, pouvaient être considérées comme s’approchant très-près du point d’équilibre, qu’on peut appeler la ration d’entretien, on trouva successivement ensuite que, pour former la demi-ration, ou représenter la valeur nutritive de 7 livres ½ de luzerne sèche, il fallait, ou 3 livres ½ d’orge appartenant à la variété d’hiver, dite sucrion, et pesant 132 livres par hectol., — ou 14 l. de pommes-de-terre crues, lesquelles sont susceptibles d’acquérir par la cuisson une augmentation de propriété nutritive d’environ deux treizièmes ; — ou environ 16 livres ¼ de betteraves de la variété blanche de Silésie de moyenne grosseur, cultivées en terrains médiocrement fertiles : ces observations sont nécessaires, car on pourrait rencontrer des betteraves de l’espèce dite racines de disette, cultivées en sol très-riche, qui présenteraient des propriétés nutritives beaucoup inférieures à celles-ci ; — ou enfin 23 livres de carottes.

Il est fort regrettable que des expériences analogues n’aient pas été faites par les Allemands et les Anglais, comme complément des analyses intéressantes de Davy, d’Einhof et de Sprengel.

[18 : 3 : 7]

§ vii. — Du choix des plantes eu égard à l’emploi qu’on en peut faire isolément ou simultanément dans la formation des herbages.

Lorsque l’on veut créer des pâturages permanens, il est hors de doute qu’il faut les composer de plusieurs espèces, car, s’ils étaient homogènes à leur origine, ils cesseraient bientôt de l’être par suite de l’affaiblissement progressif de l’espèce primitive, et l’envahissement d’herbes nouvelles. D’ailleurs, le mélange en pareil cas ne peut avoir que des avantages, quand il a été bien combiné. Les plus importans sont, à côté de celui d’offrir aux animaux de toutes sortes une nourriture plus saine, plus agréable et mieux appropriée à la nature des produits qu’on en attend, — l’abondance à peu près égale de cette même nourriture pendant toutes les parties de l’année, — et la durée de l’herbage dans un état tel que les mauvaises herbes ne trouvent aucune place pour se montrer.

Je regarde la première proposition comme suffisamment établie par le contenu du paragraphe précédent. La seconde, que j’ai aussi abordée déjà, en parlant de la précocité plus ou moins grande des espèces, est démontrée journellement par l’expérience. Il est en effet facile de se convaincre que, sur tous les pâturages, non seulement les graminées diverses se succèdent dans le développement de leur végétation, mais que, dans les localités moins favorisées que d’autres par l’humidité, toutes les plantes à racines fibreuses et peu profondes cessent pour ainsi dire entièrement de se développer durant les fortes chaleurs, tandis que les plantes à racines fortes et pivotantes, comme celles de plusieurs trèfles, de la luzerne, du sainfoin, du lotier, de la mille-feuille, de la pimprenelle, de la jacée des prés, etc., etc., trouvent encore assez de fraîcheur dans le sol pour continuer de fournir au pâturage des animaux, jusqu’à ce que des pluies d’orage assez abondantes, ou celles d’automne, aient ravivé la masse gazonneuse.

Quant à la troisième proposition, il est vrai qu’un très-petit nombre d’espèces herbagères, parmi lesquelles ou doit citer en première ligne la luzerne et parfois le sainfoin, par la vigueur soutenue de leur végétation, peuvent assez longtemps éloigner toute concurrence dans les terrains qui leur conviennent ; mais à la longue, cependant, elles sont envahies par d’autres herbes qui commencent à se montrer dès qu’elles faiblissent sur quelques points ; ce qui leur arrive après un nombre d’années plus ou moins long, arrive à la plupart beaucoup plus tôt ; il est donc évident que toujours la nature tend à établir dans les herbages ce qu’on a nommé un assolement simultané. Or, on comprendra qu’en pareil cas il vaut bien mieux choisir tout d’abord, d’après leur mérite, les espèces qui composeront cet assolement, que de s’en rapporter au hasard pour l’avenir ; je parle toujours des herbages permanens.

Si les pâturages ne doivent durer qu’un petit nombre d’années, l’inconvénient du semis d’une seule espèce est moins grand sous ce dernier rapport. Mais, lors même que cette espèce réunirait d’ailleurs toutes les conditions voulues pour procurer une bonne nourriture aux animaux, resterait encore la crainte fondée, à bien peu d’exceptions près, de n’obtenir des produits fourragers que pendant une partie de la saison. Aussi, est-ce une coutume fort générale, même dans ce cas, de mêler diverses plantes, et d’adjoindre aux graminées quelques légumineuses, principalement le trèfle rouge ou blanc et la lupuline. La plupart des herbages qui ne doivent durer que 3 ou 4 ans sont composés, soit d’ivraie vivace et de trèfle, soit de ces deux plantes, auxquelles on ajoute le dactyle pelotonné ou la houlque laineuse, soit de trèfle et de lupuline mêlés à 2 ou 3 graminées, soit enfin de tout autre mélange analogue.

Relativement aux prairies fauchables, la question doit être considérée sous d’autres points de vue. Depuis Rozier, plusieurs agronomes ont pensé avec lui que — « Deux espèces de graminées n’ayant strictement ni la même époque de floraison et de maturité,