Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/526

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lement et sur des terres d’une fertilité moyenne.

Partout où les frais de transport n’ajoutent pas excessivement à la valeur du plâtre, c’est aussi après la cessation des gelées qu’on répand ce puissant stimulant, en choisissant un temps calme, et au moment où les feuilles sont humectées par la rosée ou par une pluie. Dans tous les lieux où le pâturage a pénétré, on le regarde, en principe, comme indispensable à la culture du trèfle ; il est certain qu’aucun engrais ne peut mieux assurer la réussite de cet excellent fourrage, et, par une conséquence désormais bien appréciée, le succès de l’assolement dont il fait partie.

Autrefois on laissait assez souvent le trèfle occuper le sol 3 années, y compris celle du semis : mais alors il était rare que la 3e il pût être employé autrement qu’au pâturage. On regarde aujourd’hui avec raison comme beaucoup plus profitable de le rompre à la fin de la seconde année, et même, quoiqu’il fût le plus souvent possible d’obtenir 3 coupes, on enfouit la dernière pour ajouter à la fécondité du sol. Il y a loin de cette pratique raisonnée à la coutume de quelques cantons de l’Allemagne, d’utiliser même les racines de cette légumineuse à la dépaissance du bétail : à la vérité, elles lui procurent une nourriture de bonne qualité ; mais si l’on met en ligne de compte les frais d’extraction et le tort qu’on fait au sol, on se convaincra facilement qu’en définitive il y a plus de perte que de profit à agir de la sorte.

Dans beaucoup de contrées on ne cultive le trèfle que comme plante fourragère — dans d’autres on le fauche une seule fois de bonne heure au printemps de la seconde année et on le laisse monter et fleurir pour en récolter la graine ; — dans d’autres, enfin, on ne spécule que sur la production de celle-ci et, dans la persuasion qu’elle est infiniment plus belle et plus marchande lorsque la fructification n’a pas été retardée par une coupe, on ne fauche pas du tout cette seconde année. — Dans ces deux derniers cas, la culture du trèfle devient véritablement culture économique et ne peut plus être considérée comme améliorante, mais ses produits sont parfois considérables. « Il n’est pas rare, dit Bosc, qu’un arpent de trèfle en bon fonds donne 1500 kil. de graines nettoyées, qui, à 50 centimes le kilog., font 750 fr., revenu énorme, vu que les tiges et les feuilles, quoique alors épuisées de matières nutritives, peuvent encore être employées à la nourriture des bestiaux. » J’ai vu rarement des récoltes qui approchassent de semblables produits. Cependant elles sont ordinairement assez lucratives pour indemniser richement le cultivateur des soins qu’elles nécessitent, des difficultés de l’égrainage et des frais d’acquisition de machines propres à l’effectuer. Je regrette de ne pouvoir entrer, dans ce chapitre dont je crains d’avoir déjà dépassé les bornes, en des détails suffisans sur cette importante matière qui se rattache bien plus à une question de culture économique et commerciale qu’à une simple question de culture fourragère. On trouvera sans doute occasion d’y revenir dans le 2e livre de cet ouvrage.

Le grand Trèfle normand, que M. de Laquesnerie a fait connaître sous le nom de Trèfle du pays de Caax, est une variété du trèfle commun plus élevée et plus tardive qu’elle. « Les semis que j’en ai faits, dit M. Vilmorin, m’ont mis a même de reconnaître cette double vérité. Il ne donne ordinairement qu’une coupe, mais qui souvent équivaut aux deux coupes du trèfle ordinaire. Son fourrage est plus gros, et la plante m’a paru être plus durable. Ce trèfle doit-il être préféré à l’espèce ordinaire ? Je ne prendrai pas sur moi de résoudre cette question qui, d’ailleurs, est probablement susceptible de solutions opposées dans des terrains et des circonstances différentes. Cette espèce est encore trop récemment connue pour qu’il soit possible d’en porter un jugement ; mais j’ai cru devoir l’indiquer aux cultivateurs comme un sujet intéressant d’épreuve et d’observation. »

« Le Trèfle d’Argovie est une autre variété du trèfle rouge, cultivée depuis quelques années en Suisse, et qui paraît posséder des qualités importantes. On assure qu’il dure 4 à 5 ans, ce qui lui a fait donner le nom de trèfle perpétuel. Je n’ai pas encore été à même de vérifier ce point ; mais ce que j’ai reconnu en lui et qui me paraît encore plus intéressant, c’est une disposition très-prononcée à monter en tiges et une précocité d’au moins 15 jours sur le trèfle ordinaire ; il est d’ailleurs vigoureux et à larges feuilles. Si les caractères que présente en ce moment cette variété sont confirmés par des épreuves plus nombreuses, et s’ils se conservent sans altération sensible pendant une suite de générations, ce sera certainement une acquisition précieuse pour l’agriculture. » Vilmorin.

Le Trèfle intermédiaire (Trifolium intermedium, Lin.), en anglais Marl clover ou Cow-grass se distingue du trèfle commun par la disposition moins serrée et plus alongée de ses fleurs ; par la longueur plus grande des 3 folioles de chaque feuille, la forme des divisions du calice dont les 2 supérieures sont courtes, les 2 moyennes plus longues et l’inférieure plus longue encore. — Dans le trèfle commun, les stipules sont glabres, ovales, terminées par un faisceau de poils ; — dans le trèfle intermédiaire, elles sont étroites, longues et garnies de poils épars dans toute leur longueur.

Cette espèce est beaucoup plus vivace que la précédente ; on lui a reconnu l’avantage de croître sur des terrains de nature fort diverse et de résister, au moins aussi bien que le trèfle blanc dont je parlerai tout-à-l’heure, aux effets des fortes sécheresses. Le fait est qu’on la voit continuer de fleurir dans les herbages lorsque les graminées qui se trouvent près d’elle ont perdu toute leur fraîcheur, et qu’elle repousse encore sous la dent des animaux qui en sont avides. J’ai été souvent à même de faire ces remarques chez moi. — Quant à la somme de ses produits et à la qualité nutritive de ses fanes, le trèfle intermédiaire est de beaucoup inférieur à celui des prés. Aussi ne peut-il entrer en concurrence avec lui dans la culture alterne ; mais, considéré comme plante de pâturage, il