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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.


d’une marne qui contient 40 p. 0/0 de carbonate de chaux, c’est 4 hectolitres par an du principe calcaire ; nos seconds marnages seraient donc donnés de manière à fournir au sol par an depuis 4 jusqu’à 8 hectolitres de carbonate de chaux suivant la consistance du sol.

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§ vi. — Épuisement du sol par la marne.

Lorsque dans un sol léger ou très-sec on a mis une forte dose de marne, qu’on ne lui rend pas des engrais animaux en proportion des produits qu’on en tire, que les récoltes épuisantes s’y succèdent, on voit petit-à-petit les récoltes diminuer, le sol prendre les caractères de sol calcaire peu fécond ; il produit encore plus qu’avant le marnage, mais on le dit épuisé, et une nouvelle dose de marne ne le rappelle pas à sa fécondité première : nous avons vu ce cas arriver dans l’Isère, où se trouvent réunies toutes les circonstances défavorables. Dans le sol argileux, ce résultat se montrerait plus difficilement et après un plus long terme. La marne ne dispense donc pas de fumier, mais elle est loin d’épuiser le sol ; nous pensons, au contraire, que pour en soutenir les grands produits, une dose de fumier beaucoup moindre est nécessaire. La marne double donc l’action du fumier, et on a, dans les fonds marnés, ce grand avantage d’un bon sol, de pouvoir obtenir de grands produits avec une quantité modérée d’engrais.

Toutefois, nous devons dire que le premier marnage comme le premier chaulage produisent en quelque sorte un premier élan de fécondité dont le plus souvent on ne soutient pas toute la puissance. Pour que cela fût, il faudrait que l’année même du marnage, le fumier fût donné comme à l’ordinaire, ou que la marne fût livrée au sol en compost sans retrancher le fumier, comme dans beaucoup de seconds marnages en Angleterre. Mais cela a rarement lieu : partout on veut profiter de la faculté nouvelle donnée au sol de produire sans fumier, et on place son engrais dans les fonds qui n’ont pas encore reçu d’amendemens ; toutefois la Belgique, le département du Nord, la Normandie, la Sarthe, et une grande partie de l’Angleterre ont soutenu avec des soins la fécondité première donnée par la marne, et cela est dû, à la fois, à la quantité d’engrais et à la bonne culture qu’ils ont donnée à leur sol marné.

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§ vii. — Culture du sol après les marnages.

Après tout ce que nous avons dit, on comprend que la culture du sol après les marnages doit être conduite avec discernement et mesure ; il ne faut profiter de la fécondité nouvelle du sol qu’en ménageant les forces artificielles qu’on lui a données ; il faut donc lui rendre des engrais en raison de ses produits, multiplier par conséquent les fourrages-feuillus et les fourrages-racines, profiter enfin de la fécondité de son sol autant en faveur des animaux producteurs du fumier qu’au profit du grenier : alors la marne est un immense moyen de fécondité présent et avenir. Nous ne conseillerons point cependant de changemens brusques dans l’assolement : dans tous les systèmes agricoles on peut faire produire au sol des récoltes productives de fumier.

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§ viii. — Assainissement produit par la marne.

Une foule de faits et de raisonnemens ont établi que la chaux et ses composés portent dans le sol un principe d’assainissement en même temps que de fécondité. Les agens calcaires ôtent au sol l’humidité stagnante qui nuit à la végétation ; le sol devient poreux, perméable, les eaux peuvent mieux circuler dans l’intérieur, n’y stagnent plus et par conséquent ne s’y arrêtent pas.

Toutes les eaux qui séjournent ou qui coulent sur la marne ou sur la pierre calcaire restent claires et limpides, portent partout la fécondité, et assainissent le sol et les produits du sol. Dans le sol marné, tous les végétaux des sols assainis croissent et prospèrent, le sol lui-même est donc assaini aussi bien dans ses émanations, que dans ses eaux, que dans ses produits : la marne, en donnant au sol toutes les qualités des sols calcaires, leur donne donc aussi la salubrité qui les distingue partout, et la marne doit agir dans ce cas plus énergiquement encore que la chaux, parce qu’on la donne plus abondamment au sol, et qu’elle y développe à un plus haut point les qualités des sols calcaires ; la marne est donc comme la chaux, comme tous les agens calcaires, un principe de salubrité aussi bien que de fécondité.

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Art. iii.Emploi des plâtras ou débris de démolition comme amendemens.

Les débris de démolition ont une grande influence sur la végétation ; leur effet sur le sol semble quelquefois plus avantageux que celui de la chaux. Ils contiennent, en outre du carbonate de chaux et d’un peu de chaux encore caustique, des sels déliquescens à base de chaux, des nitrates et des muriates de chaux, de potasse et de soude, qui ajoutent à l’effet du principe calcaire sur les végétaux. Leur effet fécondant s’exerce exclusivement sur les sols non calcaires ; ailleurs ils sont plutôt nuisibles qu’utiles et rendent les sols plus sensibles à la sécheresse.

Les débris de démolition ont un effet très durable ; ils sont très-avantageux sur les prés ou pâturages humides non calcaires, mais qui ne sont cependant ni marécageux ni inondés ; ils améliorent la récolte en quantité et en qualité. On les emploie avec avantage, avant et après l’hiver, sur les récoltes d’hiver comme sur celles de printemps, ils font produire plus de grains à proportion que de paille, et le grain est d’excellente qualité : on les emploie le plus souvent sans l’intermédiaire des composts parce qu’ils ont déjà formé dans les murs une partie des composés qui se forment dans les composts ; cependant, employés sous cette forme, leur effet s’accroîtrait encore en imprégnant de leurs forces fécondantes une masse de terre 7 à 8 fois plus considérable que la leur.

Les plâtras, comme les autres amendemens calcaires, demandent à être répandus sur la terre non mouillée, et veulent être enterrés peu profondément par un beau temps ; au-