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chap. 2e.
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DU CHANVRE ET DE SA CULTURE.


que la quantité de la semence dépend de l’emploi auquel on destine le chanvre, et de la nature du terrain auquel on le confie.

§ V. — Soins d’entretien.

Il faut biner et sarcler le plant deux fois, et arroser même si la sécheresse était trop prolongée. Quand on a semé très-dru, le sarclage et le binage sont inutiles, parce que la plante croissant rapidement, ses feuilles ont ientôt recouvert la surface du sol et étouffé les herbes parasites ; mais alors les labours doivent être plus profonds, parce que les tiges étant très-rapprochées, les racines ne peuvent s’étendre latéralement ; il faut donc, pour se bien nourrir, qu’elles trouvent à pénétrer une couche épaisse de terre végétale. Lorsque le plant est modérément espacé, il donne d’autant plus de filasse, dont la ténacité est d’autant plus grande, qu’il a acquis plus complètement sa croissance à l’air libre. Sa graine mûrit mieux et est infiniment plus abondante.

§ VI. — Maladies et remèdes ; plantes et animaux nuisibles, moyens d’en préserver.

Quelque bien couverte qu’ait été la graine, il ne faut pas la perdre de vue jusqu’à ce qu’elle soit entièrement levée ; car les oiseaux, et les pigeons surtout, en sont extrêmement friands. Il faut les en écarter souvent, soit par le bruit de quelques coups de fusil, soit par des mannequins de paille ; il est bon de veiller aussi sur les campagnols, les mulots et autres quadrupèdes rongeurs.

Deux plantes parasites font encore beaucoup de tort aux chenevières ; ce sont la cuscute et l’orobanche ; on ne peut les détruire qu’en les arrachant avant leur floraison ; et, pour le faire, il ne faut pas craindre d’arracher un peu de chanvre ; car cette perte est un gain pour l’année suivante.

Aucun insecte n’attaque le chanvre, mais une chenille vit dans l’intérieur de sa lige et le fait souvent périr.

§ VII. — De la récolte.

Pour récolter le chanvre, il faut saisir l’instant de sa maturité. Si on tarde trop, il pourritou devient ligneux, et,dans les deux cas, il est impropre à la filature et au tissage. Si on se hâte de l’arracher, on n’obtient qu’une filasse dont les fils ont peu de résistance, et la toile qu’on en fabrique s’use promptement.

L’époque de la maturité est différente pour les deux sexes. Le chanvre mâle est mùr lorsque son pollen est dissipé et que ses sommités jaunissent. On l’arrache, en Bretagne, vers la mi-juillet. Il faut cent dix ouvriers pour cette opération sur l’étendue d’un hectare. Ils ont l’attention de marcher dans les allées qui séparent les planches, afin de ménager le chanvre femelle, qui n’est mûr qu’environ 6 semaines après le mâle. On l’arrache, en septembre, lorsque ses feuilles jaunissent et tombent, que ses sommités se fanent et s’inclinent, et que la graine commence à brunir. Soixante ouvriers suffisent pour ce travail sur un hectare. On a conseillé de scier avec la faucille, ce qui occasionerait moins de frais.

Au fur et à mesure qu’on arrache le chanvre, soit mâle, soit femelle, on le lie en petites bottes que l’on dresse en faisceaux. Le mâle reste 3 ou 4 jours exposé au soleil ; la femelle y demeure plus long-temps, parce que la graine achève ainsi de mûrir. Il faut veiller à ce qu’elle ne soit pas dévorée par les oiseaux qui en sont très-friands. S’il pleut, les faisceaux doivent être déplacés et retournés pour les faire sécher.

Pour extraire la graine, on frappe avec des battoirs sur les têtes des bottes, ou bien on les passe sur un gros peigne ou seran en fer qui arrache les sommités, qu’on pourrait même couper, ainsi que les racines, sous un hache-paille. Ensuite les graines, enveloppées de leur calice et mêlées avec des feuilles, etc., sont exposées au soleil et vannées ou criblées comme le blé. On les porte au grenier, pour y être étendues par couches très-minces, et régulièrement remuées, de crainte qu’elles ne s’échauffent. On sait que toutes les graines oléagineuses sont de difficile conservation, et qu’elles perdent promptement, en s’échauffant, leur faculté germinative. Il faut aussi veiller aux souris. La bonne conservation des graines demande une extrême attention ; quand elles sont bien sèches, on peut, au bout d’un mois, les mettre dans des sacs ou dans des tonneaux défoncés par un bout.

Il est assez difficile de déterminer exactement le moment le plus convenable pour l’extraction de l’huile, à cause des différens degrés de maturité des graines, provenant d’une même récolte. Si on les porte trop tôt au moulin, on a moins d’huile ; trop tard, il y a beaucoup de graine rancie qui altère la bonne qualité de fhuile. 2 à 3 mois sont un bon terme moyen.

§ VIII. — Du rouissage.

Le rouissage a pour objet de dissoudre une gomme résine qui maintient l’adhérence des fibres de l’écorce entre elles et à la partie ligneuse de la plante, s’oppose à leur subdivision en fibrilles plus ténues, ainsi qu’à la blancheur et à la durée des tissus. Elle est généralement dans la proportion de 5 à 148, puisque 148 livres de chanvre ne pèsent plus que 143 livres après le rouissage ; mais cette proportion varie en raison de l’état de siccité où se trouve le chanvre lorsqu’on le dépose dans les routoirs.

Le chanvre qui est roui le plus promptement donne une meilleure filasse, des fils plus élastiques, plus forts, plus durables. Donc, moins le chanvre a macéré dans l’eau, mieux il vaut ; donc, plus le mode de rouissage s’éloigne de la fermentation, plus les fibres textiles conserveront de qualité. C’est sur cette théorie que sont fondées les tentatives que l’on a faites pour débarrasser l’écorce du chanvre de ses sucs concrets sans le secours de l’eau. De là les projets de broyes mécaniques. Mais des expériences suivies pendant longtemps ont fait conclure que si les procédés mécaniques détachaient bien réel-