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liv. v.
AGRICULTURE FORESTIÈRE : DES ÉTANGS.

core, avant de se mettre à l’œuvre, il faut, au moyen de son niveau, déterminer la longueur et la hauteur de la chaussée, et tracer les contours de l’étang. Un grand nombre de personnes, pour n’avoir pas pris cette précaution, ont été entrainées à de grandes dépenses, n’ont eu que des étangs fort peu étendus, ou ont couvert les fonds voisins.

Malgré tous ces soins préliminaires, il arrive encore souvent que la nécessité d’avoir des eaux, que les moyens qu’on emploie pour les faire arriver et les conserver, que leur reflux sur les propriétés voisines, et que souvent aussi les passages qu’on intercepte, amènent beaucoup de difficultés ; de là, en Dombes, la phrase proverbiale que les étangs sont des nids à procès.

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§ ii. — Du bief, de la pêcherie et du canal de vidange.

Après tous ces préliminaires, nous arrivons à la construction de l’étang : le premier travail consiste à faire, dans la partie la plus basse indiquée par le niveau, un fossé ou bief de 2 à 3 mètres de largeur et de 40 à 50 centimètres de profondeur ; ce fossé D, qui part de l’origine des eaux, vient aboutir à la chaussée de l’étang (fig. 199).

À une douzaine de pieds de distance de cette chaussée, on creuse un réservoir C de 15 à 30 pieds de diamètre, suivant l’étendue de l’étang, et d’un pied de profondeur de plus que le bief, auquel on donne le nom de pêcherie, et qui sert à rassembler le poisson pour la pêche ; le bief se termine par un canal M. E destiné à l’évacuation de l’étang, et sur lequel doit s’asseoir la chaussée O. La partie supérieure ou le toit de ce canal doit être au niveau du fond du bief, afin que l’étang et son bief se vident en entier. Ce canal se construit en bois, en pierre ou en brique ; en bois il est moins durable et plus coûteux, alors même qu’au lieu de creuser dans un chêne de grande dimension, on le fait en plateaux de 3 pouces d’épaisseur. Lorsqu’on le fait en bois, pour que sa durée soit plus longue, on l’enfonce dans le sol de manière à ce qu’il reste toujours plein d’eau ; précaution inutile lorsqu’on le fait en pierre ou en brique. Dans ce dernier cas, on le couvre avec des dalles en pierre ou une voûte de briques. Sa dimension est très importante : il faut qu’elle soit telle qu’il puisse vider facilement l’étang en un petit nombre de jours, et que lorsque l’étang est en assec, il débite les eaux des grandes pluies sans qu’elles s’extravasent sur le sol de l’étang ; leur épanchement, et surtout leur séjour, nuisent d’ordinaire beaucoup aux récoltes : outre qu’elles peuvent immédiatement les affaiblir ou les détruire, elles donnent de la force aux plantes aquatiques qui bientôt les recouvrent, les oppriment et réduisent à rien leurs produits. Ces inconvénients peuvent se prévenir en grande partie, comme nous le verrons plus tard, par l’établissement d’une rivière de ceinture ; mais ces rivières n’existent pas partout, et elles sont quelquefois insuffisantes, en sorte qu’il est toujours nécessaire d’avoir un canal d’assez forte dimension pour diminuer les chances d’accident.

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§ iii. — De la construction de la chaussée.

Après l’établissement du bief et du canal, nous arrivons à la construction de la chaussée : le niveau a donné sa hauteur, parce qu’elle doit s’élever à 60 centimètres au-dessus du niveau de l’étang plein. Sa base doit être au moins triple de sa hauteur, et sa surface supérieure doit avoir pour largeur la hauteur de la chaussée. La pente A (fig. 200) du côté de l’étang doit être moins rapide qu’en dehors B ; elle doit avoir moins de 45 degrés, surtout si la chaussée est exposée aux vents du nord et du midi ; si elle était plus forte, il faudrait la revêtir en gazons.

Ces dimensions une fois arrêtées, on procède à la construction ; et pour cela on creuse d’abord dans le milieu de l’espace que doit occuper la chaussée, jusqu’à ce que l’on rencontre le terrain ferme, un fossé de 4 pieds de largeur. Ce fossé se remplit avec une terre argileuse qu’on y place en lits peu épais, et qu’à l’aide d’un peu d’eau on pétrit et corroie avec soin en la divisant à la bêche, l’arrosant et la broyant avec les sabots ou des dames, pour qu’elle ne forme qu’une seule masse ramollie. On fait en sorte, à l’aide de la bêche, qu’elle se lie et fasse corps avec la terre du fond et les bords du fossé ; c’est le premier lit surtout qui doit être bien battu, corroyé et lié avec la terre du fond. Quand le fossé est plein, on élève la chaussée en continuant de travailler de la même manière la terre sur toute la largeur du fossé primitif de la clave, et en plaçant à droite et à gauche les terres qui doivent en former le surplus. Cette largeur de 4 pieds de terrain, travaillé et pisé CC, porte le nom de corroi, de clave ou clef, parce que c’est le soin qu’on lui donne qui ferme hermétiquement l’étang et empêche l’infiltration ; le reste des terres de la chaussée se monte à mesure que la clave s’élève ; elles se rangent et se tassent avec soin, mais sans être mouillées ni battues comme celles de la clave : celles du bief et de la pêcherie peuvent servir à faire la chaussée. On prend le reste sur les deux côtés de l’étang, de manière à ne point laisser de creux qui pourraient retenir le poisson et empêcher l’évacuation des eaux.

Il est à propos que la chaussée ait 15 à 20 centimètres de plus de hauteur dans les parties qui avoisinent le bief, afin que si les eaux venaient à s’extravaser par-dessus, elles l’entament plutôt dans ses parties basses que dans celles qui sont plus élevées. Par ce moyen, le mal, en cas de rupture, serait moindre, soit sur la chaussée, soit sur les terres environnantes, soit même en perte de poisson, parce qu’il resterait de l’eau dans l’étang. Derrière la chaussée, on creuse, pour recevoir le poisson qui se laisse entraîner lors de la pêche, un autre réservoir circulaire ; il est plus petit que la pêcherie et porte le nom de burillon ou barillon ; de là les eaux s’évacuent dans un fossé auquel on donne le nom de vidange.

Cette chaussée construite a besoin d’être défendue contre le battement des eaux dans son niveau supérieur, surtout si le terrain n’en est pas très argileux ou si elle est exposée aux vents du midi ou du nord. Ces vents, plus fréquents et plus forts, donnent plus d’action aux vagues qui l’entament. Pour s’en défendre, il ne suffit pas de gazonner la partie qui s’y trouve exposée, il faut encore la garnir d’un double fascinage dont le rang supérieur s’élève jusqu’aux limites des grandes eaux, et dont le rang inférieur se fixe au-dessous des eaux basses ; les fascines qui se touchent se placent à plat et obliquement sur la pente de la chaussée et s’y fixent par des piquets munis, autant que possible, de crochets. Cette défense est bonne, mais doit être renouvelée. Lorsque la pierre ou les cailloux ne sont pas très éloignés, on garnit les parties de la chaussée qui risquent le plus d’être dégradées d’une couche de pierres ou de cailloux qui se touchent et restent en place si on a eu soin, comme nous l’avons recommandé, de donner à la pente du côté de l’étang moins de 45 de-