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titre iii.
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JARDIN FRUITIER.


bres à fruits à pépins est une terre à blé où le calcaire n’est point abondant ; le meilleur sol pour les arbres à fruits à noyaux est une terre à blé très riche en calcaire. Il ne faut point espérer de bons fruits à pépins des arbres plantés dans une terre où domine le sulfate de chaux ou gypse (plâtre) ; les terrains gypseux au contraire sont essentiellement propres à tous les arbres à fruits à noyaux. Telles sont les considérations générales qui doivent présider au choix du sol pour rétablissement d’un verger. Mais, en dehors de ces natures de terrains pour ainsi dire privilégiés, on peut, avec quelques soins, obtenir de très bons fruits des terrains plus médiocres, en s’appuyant, pour le choix des espèces, sur les principes que nous venons d’énoncer. Les terres alumineuses et celles où la silice domine, quoique impropres à la culture des céréales, peuvent fort bien nourrir des arbres fruitiers très productifs. Le sous-sol exerce sur la végétation de ces arbres une influence au moins aussi grande que la qualité du sol. Aucun arbre à fruit, soit à pépins, soit à noyaux, ne résiste ni à l’excès de l’humidité, ni à l’excès de la sécheresse ; il est donc absurde de planter un verger dans une terre, assez bonne d’ailleurs, mais dont le sous-sol retenant l’eau est pourrissant en hiver et brûlant en été. C’est presque la seule nature de sol qui soit absolument impropre à la végétation des arbres fruitiers. Les Anglais, chez qui des terrains semblables se rencontrent fréquemment, mais qui ne craignent pas la dépense quand il s’agit de lutter contre la nature, établissent un pavage à un mètre sous terre, au-dessous de la place que chaque arbre doit occuper, remplissent le trou de bonne terre, et plantent par là-dessus. On conçoit que ce moyen de triompher de l’humidité du sous-sol ne saurait être à l’usage de celui qui plante des arbres dans l’espoir d’en porter un jour les fruits au marché. Il y a un autre moyen de préserver les racines des arbres fruitiers de l’influence pernicieuse d’un sous-sol peu favorable : c’est d’empêcher ces racines d’y pénétrer ; il ne faut pour cela que deux choses : ne pas toucher au sous-sol, et rendre la couche supérieure si bonne, si fertile, que les racines, toujours attirées de préférence vers la meilleure terre, au lieu d’aller chercher le tuf pour y périr, s’étendent en tout sens à peu de distance au-dessous de la surface du sol, dans sa couche supérieure.

B. — Exposition.

Toutes les expositions peuvent convenir à l’établissement d’un verger, même celle du nord, pourvu qu’on fasse choix d’espèces convenables. La meilleure exposition est celle du sud-est pour toute la partie de la France où les vents d’ouest règnent habituellement et soufflent avec violence aux équinoxes ; tous les départements voisins des côtes de la Manche et de l’Océan sont dans ce cas. Dans l’est de la France, l’exposition sud-ouest est préférée avec raison. Les pentes bien exposées, quelle que soit leur rapidité, conviennent aux arbres fruitiers, pourvu que le sol soit de bonne qualité. Lorsqu’on plante un verger à l’exposition du nord ou à celle du nord-est, il faut le peupler exclusivement des espèces qui fleurissent tard, afin que les boutons n’aient point à supporter l’effet pernicieux des vents froids, aux approches de la floraison.

C. — Préparation du sol.

La terre où l’on se propose dé planter un verger doit être ameublie par un labour profond, et fumée largement un ou deux ans d’avance. Les racines des arbres fruitiers n’aiment pas le fumier frais en fermentation, tel qu’on le tire de l’étable ou de l’écurie pour l’employer directement à une culture de céréales ou de légumes. Lorsqu’on fume immédiatement avant de planter, il faut que ce soit avec du fumier très consommé, mis d’avance en tas pour cet usage. Si l’on n’a à sa disposition que du fumier très chaud comme celui d’écurie ou de bergerie, dans la crainte que, même à un état de décomposition très avancé, il ne nuise aux racines fibreuses (chevelu), il est bon de le mélanger avec deux parties de terre fraîche de nature argileuse ; la poussière ou la boue desséchée des routes à la Mac-Adam convient bien aussi pour ces mélanges. Nous l’indiquons d’autant plus volontiers qu’on s’en sert très rarement en France, bien qu’elle soit très employée en Angleterre, en Allemagne et en Belgique. Sous tous les autres rapports, il faut considérer la terre d’un verger comme celle d’un jardin potager, et la traiter en conséquence ; lorsqu’elle n’indique pas de traces de chaux, en faisant effervescence avec les acides, il n’y a pas d’inconvénient à lui donner un chaulage ou un marnage modéré, à la dose de 10 à 12 mètres cubes par hectare, pourvu que ces substances soient bien pulvérisées, et mélangées le plus exactement possible avec la couche superficielle du sol, sans être enterrées trop profondément. Une dose médiocre de sable siliceux (10 à 15 mètres cubes par hectare) produit un excellent effet sur un sol compacte, de nature argileuse. Si le climat et les circonstances locales font préférer les fruits à noyaux aux fruits à pépins, les amendements calcaires, surtout le sulfate de chaux, soit cru, soit calciné (plâtre), pourront être employés à haute dose dans les terres qui en seraient dépourvues. Il faut ajouter à ces préparations l’établissement d’un nombre suffisant de fosses et de rigoles d’égouttement, pour peu que le sol montre de disposition à retenir l’eau, disposition, qui, si elle n’est combattue par des soins intelligents, cause infailliblement la perte des arbres à fruit quels qu’ils soient.

D. — Défoncements.

Les opinions sont très divisées quant aux défoncements. Tous les anciens auteurs qui ont écrit sur la culture des arbres fruitiers, soit en France, soit à l’étranger, et le plus grand