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COUP D’ŒIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE.


rompue de légumes, distinguent les potagers flamands, dans lesquels l’arrosoir n’est pas beaucoup plus en usage ni plus nécessaire qu’en Hollande. Néanmoins, chaque jardin a son puits toujours peu profond, car dans toute la Belgique, l’eau se rencontre à fleur de terre. Il n’est encore question ici, ni de norias, ni de manivelles pour élever l’eau ; l’arrosage proprement dit est inconnu ; seulement, par un temps très sec, on est quelquefois obligé de mouiller légèrement le plant pour assurer sa reprise, tandis qu’en Hollande, il y a au contraire le plus souvent des précautions à prendre pour l’empêcher de pourrir par excès d’humidité.

Plus nous avançons dans la partie de la Belgique désignée sous le nom de Pays Wallon, s’élevant par des pentes de plus en plus prononcées jusqu’au plateau des Ardennes, plus les jardins nous offrent d’analogie avec le jardinage du nord et du centre de la France. Ce sont à peu près les mêmes légumes, à l’exception de l’artichaut qui n’y figure que rarement, quoiqu’il y soit d’excellente qualité. L’un des points les plus intéressants de cette contrée pour le jardinage, c’est la vallée de la Meuse, aux environs de Liège. Les moines du moyen âge l’avaient surnommée, à cause de sa prodigieuse fertilité, la vallée bénite (Li Val-Benoît), nom qu’elle a conservé sans altération dans le patois du pays. Outre la population de Liège, qui compte au-delà de 60,000 habitants, les jardins de cette vallée doivent encore fournir de fruits et de légumes les 12 à 15,000 ouvriers de Verviers, ville manufacturière dont ils sont séparés par une distance de 3 myriamètres. Verviers. admirablement située pour l’industrie à cause de ses innombrables chutes d’eau, n’est d’ailleurs environnée que de coteaux arides, entièrement rebelles à la culture jardinière.

Il n’existe point en Europe de femmes d’une constitution plus vigoureuse et mieux faites pour supporter toute espèce de fatigues que les jardinières des environs de Liège. On désigne sous le nom de Botresses, celles de ces femmes qui l’ont le commerce des légumes frais. L’étranger s’étonne de les voir marcher lestement portant sur leur tête, que couvre un feutre à larges bords, une charge capable de faire ployer un homme de force ordinaire ; elles vont a Verviers ou à Spa durant la saison des eaux, faisant, ainsi chargées, 3 à 4 myriamètres pour réaliser un modique bénéfice sur la vente du produit de leurs jardins. Parmi ces produits, nous distinguons la belle fraise écarlate de Virginie, d’une variété trop peu connue en France ; les Botresses ont l’art de balancer sur leur tête leurs pesants paniers avec tant d’adresse, que ces fraises arrivent à Verviers et à Spa sans avoir souffert le moindre froissement.

Les divers instruments de jardinage des Hollandais et des Belges nous ont offert bien peu de différence avec ceux dont l’usage nous est familier. La pelle ou bêche flamande mérite cependant notre attention. Sa forme atteste à la fois le discernement et la vigueur de ceux qui l’emploient ; elle est large et longue, propre à donner des labours profonds. Au lieu d’une surface entièrement plate, elle offre une légère courbure vers le milieu de sa longueur (voir Instrument de Jardinage). Quelque peu consistant que soit le sol, quelque poli que soit le fer de l’instrument par un long service, jamais la charge soulevée par le jardinier ne retombe dans la jauge sans avoir été complètement retournée, ce qui, pour les terres légères, s’obtient difficilement avec la bêche plaie, surtout quand elle est plus étroite du bas que du haut. C’est un inconvénient grave ; la terre remuée sans être retournée laisse constamment à la même couche le soin de nourrir les végétaux ; un bon bêchage ne doit pas seulement ameublir la terre, il doit la rajeunir. La manière de bêcher diffère aussi de la nôtre en deux points qu’il est utile de noter. D’abord, le jardinier hollandais ou belge n’appuie pas le pied sur le bord de sa bêche pour la faire entrer dans le sol ; il n’en a jamais besoin, parce que d’une part, il travaille une terre peu compacte en elle-même, et que de l’autre, cette terre est si souvent et si bien remuée qu’elle n’a pas le temps de durcir. Puis, si nous considérons attentivement sa manière de bêcher, nous verrons qu’au lieu de soulever de gros blocs de terre d’un seul coup, il a soin de ne prendre à la fois qu’une tranche d’une épaisseur médiocre qu’il enlève sans effort, et qu’il place dans la jauge, en la renversant sens dessus dessous. Ce mode de labour est très bien adapté au jardinage dans un sol léger, quoique pour une terre compacte, il puisse être utile, surtout pour les labours d’hiver, de lever de grosses mottes, qu’on livre à l’action des gelées et des dégels. Alors, le vigoureux coup de talon aidé d’un lourd sabot n’est pas de trop pour faciliter le labour. Mais ce cas excepté, la pelle flamande l’emporte sur la bêche et le louchet de la France centrale, et la manière flamande de s’en servir sans s’aider du pied pour déplacer plus de terre à la fois est préférable à celle de nos jardiniers.

Un volume de descriptions ne suffirait pas pour exposer toutes les richesses horticulturales de la Belgique ; presque toutes ses villes du premier et du second ordre ont des sociétés de Flore et des expositions périodiques des plus rares végétaux.

En 1817, un voyageur anglais visitant la petite ville d’Enghien (Hainaut), s’étonna d’y trouver réunis dans le jardin de M. Parmentier, alors maire de cette ville, une réunion de plantes rares plus complète que ce qu’il y avait alors de mieux en Angleterre ; ce jardin n’a cependant guère plus de 60 ares ; mais il est presque en entier couvert par des serres magnifiques peuplées de plantes du plus grand prix.

La seule Ville de Gand, centre de l’horticulture belge, possède au delà de 400 serres appartenant à des amateurs. Rien n’égale la beauté des serres des jardins publics ; nous ad-