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HORTICULTURE.


mirons par-dessus tout celles de la Société d’horticulture de Bruxelles ; sans déranger les plantes de leurs dressoirs, ce somptueux local recouvert en vitrages sert à donner des bals où 1,500 personnes circulent sans encombrement.

La Société d’horticulture de Bruxelles est une des plus actives de l’Europe ; disons aussi qu’elle est une des plus nombreuses et des plus riches. C’est en Belgique que les sociétés d’horticulture ont pris naissance sous le nom de confrérie de Sainte-Dorothée. Nous croyons que la confrérie de Sainte Dorothée constituée au moyen-âge à Bruxelles, n’avait pas de précédents ; elle serait donc le modèle et l’origine de toutes les autres. Sous la domination autrichienne, elle comptait au nombre de ses membres des princes, des grands seigneurs, des magistrats et des artistes pêle-mêle avec des jardiniers de profession qui, formant la majorité, prenaient d’ordinaire dans leurs rangs le doyen ou président de la confrérie.

Cette société pacifique céda la dernière de toutes aux orages révolutionnaires ; ses registres l’ont loi de son existence en 1793 ; il y a des noms de confrères reçus en 1794 ; cette date en dit beaucoup sur le caractère et les mœurs du peuple belge. C’est avec le noyau de l’ancienne confrérie de Sainte-Dorothée, dont les membres avaient continué à se voir et à s’occuper ensemble d’horticulture, que fut reconstituée en 1826 sur de larges bases, la Société d’horticulture de Bruxelles. Cette société ne peut que continuer à prospérer à la faveur de la paix, sous un prince amateur passionné de l’horticulture.

A Gand, le jardin botanique récemment agrandi renferme aussi de très belles serres qui servent aux fêles périodiques données tous les cinq ans sous le nom de Festival, par la société d’horticulture de cette ville. Les Gantois n’ont point oublié que leur jardin botanique eut pour fondateur Napoléon, alors premier consul ; ce fut lui qui en désigna l’emplacement, et qui voulut qu’il servît en même temps de promenade publique dont la ville de Gand était alors dépourvue ; cette fondation remonte à l’année 1801.

Dans les parterres, nous retrouvons les mêmes collections qu’en Hollande ; à Bruxelles, à Louvain et principalement à Liège, nous rencontrons de plus les collections d’œillets d’amateur, nommés par excellence œillets flamands. Quant aux jardins anglais de toutes dimensions, depuis celui du château de Laken, jusqu’aux plus charmants bosquets en miniature, ils sont répandus dans le Brabant et les Flandres avec profusion. Les deux rives du canal de Bruxelles à Boom, sur une longueur de 3 myriamètres, n’offrent qu’une succession de parcs et de jardins d’agrément. Nous sommes frappés en pénétrant dans ces jardins dont, plusieurs sont dessinés avec un goût parfait, d’y retrouver l’empreinte du caractère belge dans l’alliance de l’agréable et de l’utile ; personne mieux que les jardiniers de ce pays ne sait tirer parti des localités pour placer à l’abri d’un pli de terrain ou d’un massif d’arbres conifères, quelque arbre fruitier sensible aux impressions du froid et au souffle des vents d’ouest si violents en Belgique. C’est ainsi qu’en regard de divers groupes de rhus cotinus, d’acacia inermis, de mélèzes et de sumacs de Virginie, des compartiments de forme élégante réunissent les meilleures espèces de poiriers, pommiers, pruniers, cerisiers et abricotiers en plein-vent. Regardez sous ces massifs ; le sol y est caché sous des touffes bien entretenues de muguet et de violettes de Parme ; un recoin peu fréquenté et mal exposé reçoit des buissons de framboisiers ; et les meilleures variétés de fraisiers bordent la lisière des bosquets. Le jardinier d’une grande maison, et nous en connaissons qui sont des hommes fort distingués, ne veut pas que les visiteurs aient besoin de passer par le verger pour admirer et goûter les meilleurs fruits de la saison, prétendant que les arbres qui les produisent, étant mis à leur place, sont d’un effet tout aussi pittoresque que les autres dans le jardin paysager. Cela n’empêche pas qu’un verger spécial ne soit joint au parc comme accessoire indispensable.

Les jardins du duc d’Aremberg à Enghien contiennent une des plus belles orangeries qui existent, en exceptant celles des palais des souverains ; elle a 55 mètres de long sur 9 mètres de large et renferme de nombreux orangers respectables par leur long âge ; le plus grand nombre dépasse deux siècles ; il y en a qui n’ont pas moins de 300 ans ; enfin quelques-uns des plus beaux, donnés autrefois par les rois d’Espagne aux ancêtres du duc actuel, datent authentiquement de quatre siècles.

La culture des arbres fruitiers mérite une mention particulière. Qui ne serait frappé, dans le pays Wallon, à l’aspect de ces vergers immenses qui sous le nom de prairies arborées, couvrent les vallées de la Meuse, de la Sambre, de l’Ourthe et de leurs affluents ? On se croirait au centre d’une grande production de cidre ; mais les diverses qualités de bière sont si bonnes et à si bas prix dans toute la Belgique, que le cidre se vendrait difficilement. Tous ces pommiers dont le dénombrement donnerait un chiffre incroyable, ont une autre destination. L’espèce la plus généralement répandue est une pomme de belle-fleur, bien digne de son nom par les dimensions de ses corolles pourprées au dehors et d’un blanc de neige à l’intérieur. Le fruit joint au volume de la pomme de rembour les lignes veineuses de la pomme de châtaignier ; il est employé de préférence à la préparation d’une sorte de sapa, connu dans toute la Belgique-Wallone sous le nom de sirop de pommes ;

il s’en fait une consommation prodigieuse. Ce sirop fait avec le suc épaissi des pommes écrasées auxquelles on ajoute une petite quantité de carottes râpées, se conserve plusieurs années sans altération ; c’est un aliment agréable et fort sain équivalent à notre raisiné, mais pré-