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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/100

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bal, plein d’espérance et dans une agréable émotion, j’allai la présenter à madame de Hautcastel. Elle la prit, — la posa sur sa toilette, sans la regarder et sans me regarder moi-même. — Mais comment aurait-elle fait attention à moi ? elle était occupée à se regarder elle-même. Debout devant un grand miroir, toute coiffée, elle mettait la dernière main à sa parure : elle était si fort préoccupée, son attention était si totalement absorbée par des rubans, des gazes et des pompons de toute espèce amoncelés devant elle, que je n’obtins pas même un regard, un signe. — Je me résignai : je tenais humblement des épingles toutes prêtes, arrangées dans ma main ; mais son carreau[1] se trouvant plus à sa portée, elle les prenait à son carreau, — et si j’avançais la main, elle les prenait de ma main — indifféremment ; — et pour les prendre elle tâtonnait, sans ôter les yeux de son miroir, de crainte de se perdre de vue.

Je tins quelque temps un second miroir derrière elle, pour lui faire mieux juger de sa parure ; et sa physionomie se répétant d’un miroir à l’autre, je vis alors une perspective de coquettes, dont aucune ne faisait attention à moi. En-

  1. Petit nécessaire, dont le couvercle était surmonté d’une pelote à épingles.