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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/108

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Quelle muse a pu le soutenir à cette hauteur, où nul homme avant lui n’avait osé porter ses regards ? — De l’éblouissant parvis céleste que l’avare Mammon regardait avec des yeux d’envie, je passe avec horreur dans les vastes cavernes du séjour de Satan ; — j’assiste au conseil infernal, je me mêle à la foule des esprits rebelles, et j’écoute leurs discours.

Mais il faut que j’avoue ici une faiblesse que je me suis souvent reprochée.

Je ne puis m’empêcher de prendre un certain intérêt à ce pauvre Satan (je parle du Satan de Milton) depuis qu’il est ainsi précipité du ciel. Tout en blâmant l’opiniâtreté de l’esprit rebelle, j’avoue que la fermeté qu’il montre dans l’excès du malheur et la grandeur de son courage me forcent à l’admiration malgré moi. — Quoique je n’ignore pas les malheurs dérivés de la funeste entreprise qui le conduisit à forcer les portes des enfers pour venir troubler le ménage de nos premiers parents, je ne puis, quoi que je fasse, souhaiter un moment de le voir périr en chemin dans la confusion du chaos. Je crois même que je l’aiderais volontiers, sans la honte qui me retient. Je suis tous ses mouvements, et je trouve autant de plaisir à voyager avec lui que si j’étais en bonne compagnie. J’ai beau réfléchir