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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/133

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un seul instant, et de m’empêcher de parcourir à mon gré le vaste espace toujours ouvert devant moi ! — Ils m’ont défendu de parcourir une ville, un point ; mais ils m’ont laissé l’univers entier : l’immensité et l’éternité sont à mes ordres.

C’est aujourd’hui donc que je suis libre, ou plutôt que je vais rentrer dans les fers ! Le joug des affaires va de nouveau peser sur moi ; je ne ferai plus un pas qui ne soit mesuré par la bienséance et le devoir. — Heureux encore si quelque déesse capricieuse ne me fait pas oublier l’un et l’autre, et si j’échappe à cette nouvelle et dangereuse captivité !

Eh ! que ne me laissait-on achever mon voyage ! Était-ce donc pour me punir qu’on m’avait relégué dans ma chambre, — dans cette contrée délicieuse qui renferme tous les biens et toutes les richesses du monde ? Autant vaudrait exiler une souris dans un grenier.

Cependant jamais je ne me suis aperçu plus clairement que je suis double. — Pendant que je regrette mes jouissances imaginaires, je me sens consolé par force : une puissance secrète m’entraîne ; — elle me dit que j’ai besoin de l’air du ciel, et que la solitude ressemble à la mort. — Me voilà paré : — ma porte s’ouvre : — j’erre