Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/205

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faire une halte. Je descendis assez péniblement, et je fis quelques tours à pied dans la longueur de ma chambre pour me dégourdir, en réfléchissant, sur le mélange de peines et de plaisirs dont la vie est parsemée, ainsi que sur l’espèce de fatalité qui rend les hommes esclaves des circonstances les plus insignifiantes. Après quoi je m’empressai de remonter à cheval, muni d’un coussin d’édredon : ce que je n’aurais pas osé faire quelques jours auparavant, de crainte d’être hué par la cavalerie ; mais, ayant rencontré la veille aux portes de Turin un parti de Cosaques qui arrivaient sur de semblables coussins des bords des Palus-Méotides et de la mer Caspienne, je crus, sans déroger aux lois de l’équitation, que je respecte beaucoup, pouvoir adopter le même usage.

Délivré de la sensation désagréable que j’ai laissé deviner, je pus m’occuper sans inquiétude de mon plan de voyage.

Une des difficultés qui me tracassaient le plus, parce qu’elle tenait à ma conscience, était de savoir si je faisais bien ou mal d’abandonner ma patrie, dont la moitié m’avait elle-même abandonné. Une semblable démarche me semblait trop