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Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/209

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d’un bloc immuable de granit. Il voit en songe le contour des montagnes qui est peint dans son cœur, comme, après avoir regardé longtemps les vitraux d’une fenêtre, on les voit encore en fermant les yeux : le tableau gravé dans sa mémoire fait partie de lui-même et ne s’efface jamais. Enfin, les souvenirs eux-mêmes se rattachent à la localité ; mais il faut qu’elle ait des objets dont l’origine soit ignorée, et dont on ne puisse prévoir la fin. Les anciens édifices, les vieux ponts, tout ce qui porte le caractère de grandeur et de longue durée remplace en partie les montagnes dans l’affection des localités ; cependant les monuments de la nature ont plus de puissance sur le cœur. Pour donner à Rome un surnom digne d’elle, les orgueilleux Romains l’appelèrent la ville aux sept collines. L’habitude prise ne peut jamais être détruite. Le montagnard, à l’âge mûr, ne s’affectionne plus aux localités d’une grande ville, et l’habitant des villes ne saurait devenir un montagnard. De là vient peut-être qu’un des plus grands écrivains de nos jours[1], qui a peint avec génie les déserts de l’Amérique, a trouvé les Alpes mesquines et le mont Blanc considérablement trop petit.

La part du gouvernement est évidente : il est

  1. Chateaubriand.