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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/104

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LES PARISIENNES

toyer la jeune femme, ces menaces acrimonieuses, cette invariable chanson de tuteur d’opérette en mal de galants, lui découvraient des horizons inconnus, l’invitaient à courir les aventures, à repousser d’une chiquenaude le boulet encombrant rivé à son petit pied.

Elle serait retournée aussitôt chez ses parents si Mme de Luxille ne lui eût pas semblé un épouvantail plus grand que ne l’était au demeurant M. de Tillenay.

Jeanne avait pris l’habitude au couvent de garder les brouillons des lettres qu’elle écrivait à ses amies et surtout à Mlle Moïnoff. Elle les empilait soigneusement par paquets serrés de faveurs roses au fond d’un chiffonnier dont elle ne laissait jamais traîner la clef. Et de-ci de-là, toute seule, elle les feuilletait, mêlant aux siennes celles qu’Eva lui avaient répondues, rêvassant entre les lignes de tendresses exaspérantes qui l’alanguissaient, la brisaient — rien que de s’en souvenir. Cette lecture brûlait sa chair ainsi qu’un vin saturé d’épices fortes.

M. de Tillenay s’en aperçut.