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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/169

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DEUX AMIES

même façon et se tutoyaient. Les hommes commençaient à être jaloux de cette intimité croissante, à médire des longues flâneries durant lesquelles, comme avides d’être seules, elles s’égaraient dans les allées les plus lointaines du grand parc. Cependant l’indiscret qui les eût suivies, qui eût écouté ce qu’elles chuchotaient en riant, se serait cru dans un préau de couvent, auprès de deux gamines étourdies et innocentes qui jasent à tort et à travers, avec l’ignorance insoucieuse de la vie.

Mlle Moïnoff connaissait comme un jardin familier tous les recoins, tous les détours de cette vaste solitude verte où elle avait déjà passé tant de mois de vacances et elle se trompait à dessein d’allée, elle fatiguait les petits pieds de Luce pour la garder plus longtemps, pour la forcer à s’asseoir sur quelque banc caché dans les fleurs et ensuite à revenir lentement, appuyée à son bras et toute lasse. Et elles causaient alors plus tendrement. Luce lui avouait ses projets. Elle tenait à la marier, à lui découvrir un mari comme le sien. Mais la jeune fille se défendait, exprimait en termes amers et