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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/171

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DEUX AMIES

seule, si jolie, si comme elle la voulait, pouvait transformer le rêve en une réalité bienheureuse :

— Cela ne te fâche pas, dis ?

— Pourquoi veux-tu que cela me fâche, répondait Mme Thiaucourt, et pourquoi ton rêve ne se réaliserait-il pas ?

De temps en temps elles s’embrassaient en marchant. Luce était très câline et ces caresses ingénues, ces mains qui la décoiffaient un peu, ces lèvres qui frôlaient sa chair, ces abandons passagers sans arrière-pensée épuisaient Eva plus que dix nuits d’amour. Mais quoique à bout de forces, quoique malade, elle se modérait, elle luttait contre la tentation de tout crier, de triompher de gré ou de force de l’innocence de son amie, de se ruer sur elle avec des emportements de faunesse. Et elle prolongeait avec d’étranges jouissances cette torture cruelle de son être, cet inassouvissement pire qu’un supplice.